Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 2 FÉVRIER 2016

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Communication de Guy AHLSELL DE TOULZA

L’HÔTEL D’ANDRIEU DE MONTCALVEL – vers 1775

Du XVe au XVIIe siècle hôtel Dufaur de Saint-Jory,
au XVIIIe siècle hôtel de Caulet puis hôtel d’Andrieu de Montcalvel,
au XIXe siècle hôtel de Castellane puis hôtel de Campaigno,
copropriété « hôtel de Saint-Jory » depuis 1957

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La Société archéologique du Midi de la France est fondée le 2 juin 1831 par le marquis de Castellane dans les salons de son hôtel du 10 rue Croix-Baragnon. Curieusement cet hôtel, dont le portail est l’un des plus spectaculaires de Toulouse, n’avait jamais été étudié.
Remplaçant des maisons médiévales, un grand et bel hôtel est construit dans la seconde moitié du XVe siècle par Gatien Fabre (ou Fabri et plus tard Du Faur) tiers président au Parlement de Toulouse, coseigneur de Saint-Jory. Vers 1545, Michel Du Faur, devenu juge mage en 1535, entreprend la modernisation de son hôtel par la réfection du portail et des fenêtres. Il fait vraisemblablement appel à Nicolas Bachelier avec qui il passe un contrat en mai 1545 pour la rénovation de son château de Saint-Jory et que son beau-frère Guillaume de Bernuy fait travailler dans son hôtel du 5 rue de la Pomme (1540-1544). L’hôtel reste dans sa descendance jusqu’à la fin du XVIIe siècle.
Joseph de Caulet de Gramont (1684-1742), président à mortier au Parlement de Toulouse en 1714, fait l’acquisition de l’hôtel Du Faur de Saint-Jory. Son petit-fils, Tristan de Caulet le vend le 16 février 1770 à François-Joseph d’Andrieu de Montcalvel.
A la tête d’une solide fortune, François-Joseph d’Andrieu fait détruire le vieil hôtel médiéval des Du Faur de Saint-Jory, résidence du juge-mage, qu’il vient d’acheter, au moment où l’hôtel de son voisin le comte de Fumel, racheté par la ville de Toulouse, va devenir la résidence officielle du Premier Président du Parlement. Ainsi disparurent la tour d’escalier qui impressionnait Jean de Bernuy en 1504 et le beau portail de Bachelier qu’admirait de Dupuy du Grez en 1699.

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La reconstruction de ce second hôtel se fait entre 1771 et 1779, en remployant une partie des matériaux de démolition. Andrieu de Montcalvel fait le choix d’un hôtel sur cour alors que, non loin de là, au n° 41 de la rue Croix Baragnon, le marquis de Bonfontan construit lui un hôtel sur rue entre 1767 et 1771. Dans un esprit néo-classique, les élévations sont d’une noble sobriété, la décoration étant concentrée sur l’entrée. Le portail en arc de triomphe est orné de doubles pilastres ioniques et couronné d’un imposant groupe de terre cuite. Deux lions, l’un dressé l’autre couché sur un fond de trophées d’armes, tiennent un cartouche avec des armoiries doubles, aujourd’hui vides mais qui devaient être celle des Andrieu et des Cambolas. Ces armoiries se retrouvaient sur la remarquable rampe d’escalier attribuable à Ortet ou à Bosc. L’hôtel est achevé et habité en 1779, même si le décor des appartements restait sans doute à exécuter, les décors et les cheminées visibles aujourd’hui datant de la seconde moitié du XIXe siècle. Il fait l’objet de la dot de mariage de sa fille Marie-Madeleine Charlotte d’Andrieu avec Joseph-Léonard de Castellane le 4 janvier 1780.
Joseph-Léonard de Castellane (1761-1845) est voué à la carrière militaire. Il réside peu à Toulouse et si le mariage ne fut pas d’amour, il n’oublie pas son épouse à qui il donne un enfant tous les deux ans… Il émigre seul à Coblence en 1791, fait en 1792 la campagne avec les Bourbons et passe ensuite en Angleterre. Charlotte d’Andrieu divorce sous la Révolution pour conserver ses biens propres issus de sa dot, elle est la seule propriétaire de l’hôtel, et recevoir l’indemnité prévue en cas de prédécès de son mari. Celui-ci rentre à Paris en 1801 puis à Toulouse en 1804. Charlotte d’Andrieu meurt en 1814 et son fil Boniface de Castellane Esparron obtient en 1815 l’hôtel d’Andrieu de Montcalvel dans sa part de l’héritage de sa mère. Il y vit avec son père veuf, sa femme et ses enfants. Il fait surélever le corps central de l’hôtel d’un second étage et aménage deux cages escalier aux angles nord de la cour d’honneur pour distribuer des appartements à usage locatif.
Peu après la mort de son père en octobre 1845, Boniface de Castellane, endetté, décide de vendre son hôtel. L’acheteur en 1847 est le comte Jean Patras de Campaigno, maire de Toulouse de 1858 à 1865. Il va moderniser l’hôtel d’Andrieu. Il ne touche pas aux façades de la cour d’honneur, mais remanie profondément la seconde cour : disparition du jardin, nouvelles façades, nouvelles écuries et nouveau corps de logis en fond nord de cette cour au dessus des garages pour les voitures. Il dote le portail d’un étonnant éclairage au gaz, le seul subsistant de ce genre à Toulouse. Il refait les décors intérieurs des appartements : cheminées de marbre, corniches et stucs dans le style Louis XVI.
L’hôtel d’Andrieu reste dans la famille Patras de Campaigno jusqu’au milieu du XXe siècle. Puis sous le nom d’hôtel de Saint-Jory, il devient en 1957 une copropriété qui comprend 27 copropriétaires en 2015.


Présents : MM. Cazes, Président, Pradalier, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Péligry, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Andrieu, Napoléone, Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. Balty, Bordes, Garrigou Grandchamp, Peyrusse, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mmes Balty, Bessis, Friquart, Krispin, Nadal, MM. Penent, Suzzoni, membres correspondants.
Excusés : M. Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mmes Cazes, Fournié, Haruna-Czaplicki, Lamazou-Duplan, Queixalós, MM. Boudartchouk, Chabbert, Darles, Garland, Landes, le Père Montagnes, M. Sournia.
Invitées : Mme Marie-Emmanuelle Desmoulins, documentaliste des Monuments historiques à la DRAC.

Le Président ouvre la séance en transmettant à la Compagnie les très vifs remerciements des chercheurs espagnols que nous avons accueillis le week-end dernier dans nos locaux.
Puis il annonce que nous avons reçu la candidature de Mme Magali Vène, qui sera examinée par le Bureau et pour laquelle un rapporteur devra être désigné.
La visite, mardi dernier, de l’exposition Saint-Sernin, patrimoine oublié, patrimoine révélé a connu une double malchance : un certain nombre d’entre nous se sont retrouvés devant une porte close, pour cause de grève surprise, et sans personne pour les accueillir. L’intérêt ne résidait pas tellement dans l’exposition elle-même mais dans l’annonce faite par Pierre Pisani que nous seraient présentées les œuvres découvertes lors des sondages d’évaluation de Saint-Sernin, et en particulier les chapiteaux du cloître. Ce n’est peut-être que partie remise mais nous n’avons pas pour l’heure de réponse de Pierre Pisani ni de son service.
Une nouvelle : celle du retour à Muret du reliquaire de saint Germier, volé il y a un an, mais malheureusement sans son couvercle (La Dépêche du Midi du 24 janvier 2016).

Après avoir raconté les difficultés rencontrées avec la poste, qui ont bien failli être insurmontables (il faudra bien avoir une boîte aux lettres pour notre Société), le Président montre les volumes des quatorze travaux présentés au concours, un nombre exceptionnel dont nous ne pouvons que nous féliciter. La relance faite par Émilie Nadal sur la page Facebook de notre Société y est sans doute pour quelque chose.
Le nombre des travaux nécessitera de consacrer une partie des trois prochaines séances à l’examen des rapports. Le Président s’enquiert des rapporteurs et demande de bien vouloir choisir une date. Il rappelle les quatre critères retenus pour la notation.

Émilie Nadal donne lecture du procès-verbal de la séance du 5 janvier, qui est adopté.

La parole est à Guy Ahlsell de Toulza pour une communication sur L’Hôtel d’Andrieu de Montcalvel (vers 1775), puis Hôtel de Castellane .

Le Président remercie Guy Ahlsell de Toulza d’avoir exposé en si peu de temps ce long parcours depuis le XVe siècle jusqu’à 2015. L’évolution d’un tel ensemble est tout à fait passionnant, y compris le témoignage de l’hôtel disparu dont le Musée des Augustins conserve quelques précieux morceaux. Daniel Cazes pense lui-aussi que l’hôtel de Niquet, 3 rue d’Astorg, est des années 1770 plutôt que du début du XIXe siècle ; il se souvient à ce propos que les propriétaires ayant entrepris de nettoyer la plinthe, on a eu la surprise de découvrir qu’elle était en marbre, ce que confirme Patrice Cabau. Le Président remercie encore Guy Ahlsell de Toulza d’avoir évoqué pour nous la résidence et des aspects de la vie personnelle du marquis de Castellane, notre président fondateur.
Geneviève Bessis signale que le marquis de Castellane est resté dans l’histoire des bibliothèques et qu’il a été un des premiers à s’intéresser à l’histoire de l’imprimerie, possédant d’ailleurs une collection de livres anciens.
Louis Peyrusse s’inscrit en faux contre l’image du militaire absent de son foyer et il met en garde contre les propos fielleux du baron de Montbel : s’il divorce, c’est que c’est le seul moyen de préserver la fortune familiale. Dominique Watin-Grandchamp évoque à sont tour les nombreux émigrés dont les femmes et les enfants sont restés sur place pour assurer la conservation des biens et la gestion des propriétés. Louis Peyrusse rappelle par ailleurs que Castellane est un amateur qui a appris à dessiner et qui en vit à Londres. C’est un émigré de Coblence, de la première heure, qui, lorsqu’il revient à Toulouse, s’occupe du bureau des arts, etc. mais que la politique ne passionne guère. Homme de savoir encyclopédique, il songe à faire des corpus.
En réponse à Pierre Garrigou Grandchamp, qui lui demande s’il a pu voir les caves de l’hôtel, Guy Ahlsell de Toulza dit qu’elles sont difficilement accessibles et sans lumière, et que ce qu’il en a vu n’a rien révélé de médiéval.

Au titre des questions diverses, Nicole Andrieu donne une information sur le chapier de Saint-Sernin :

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Du 12 au15 janvier dernier, le chapier de la chapelle Saint-Pierre de Saint-Sernin a été de nouveau garni après une campagne de désinsectisation par anoxie menée depuis le début novembre 2015. Cette campagne est une conséquence directe des réunions qui ont lieu tant à Toulouse qu’à Paris autour du « suaire de saint Exupère ».
Fin 2013, à la suite de la demande de prêt du Musée du Louvre en perspective de l’exposition « Le Maroc médiéval », une première réunion avait eu lieu dans la chapelle Saint-Pierre qui avait permis, en autres, de constater une attaque active d’insectes xylophages sur le chapier. En janvier 2015, une autre réunion a eu lieu à Paris entre conservateurs du Louvre et ceux de Toulouse pour envisager les études à programmer sur ce textile exceptionnel. Parmi les mesures prévues, le traitement du chapier.
En octobre 2015, Claudine Jacquet, régisseur des collections du Musée Saint-Raymond, Dany Nadal, restauratrice de textiles anciens et moi-même avons vidé les 9 plateaux du chapier pour installer les vêtements sur de grands plateaux installés dans la chapelle par les techniciens du Musée. Chaque plateau a été recouvert de Mylar et les différentes pièces textiles ont été protégées et séparées par du papier de soie.
Cela a permis tout d’abord de percevoir la grande richesse des cérémonies liturgiques : certaines chapes en sept à huit exemplaires, dans des tissus lyonnais magnifiques, mais aussi des vêtements très usés, rapiécés et inutilisables. D’un commun accord, il a été décidé de les retirer du chapier pour les conserver dans des boîtes en polycarbonate, dans les réserves du Musée.
Pour la réintégration des textiles dans le chapier, nous avons photographié chaque pièce et réalisé des fiches, et nous avons réservé deux plateaux pour le « suaire de saint Exupère » et pour les chasubles de saint Dominique et de saint Pierre de Vérone, actuellement exposées dans le transept nord.

Nicole ANDRIEU
Conservateur des Antiquités et Objets d’Art
de la Haute-Garonne

Le Président remercie Nicole Andrieu de nous avoir informés de cette intervention qui va dans le sens de la prise en compte, que nous demandons depuis longtemps, des collections bien mal conservées à Saint-Sernin. Nicole Andrieu rappelle qu’après avoir été très bien conditionné par le Musée du Louvre, le « suaire » de saint Exupère est revenu à Toulouse dans la caisse ad hoc, dont il faut maintenant étudier la possibilité de la placer dans le chapier.
Louis Peyrusse fait observer qu’il s’agit cependant d’une pièce qui exige des conditions de conservation d’un musée, et Jean Penent rappelle que le Musée Paul-Dupuy conserve des textiles. Rappelant quel est le statut du « suaire », Daniel Cazes considère que la seule solution est bien celle d’un musée de l’œuvre.

Après avoir constaté que des revues de premier plan manquent dans nos collections, Pierre Garrigou Grandchamp demande s’il serait possible de prendre de nouveaux abonnements. Le Président partage ce point de vue et considère que des abonnements complémentaires seraient nécessaires, à la Revue archéologique par exemple. Jean Balty observe cependant que la Revue archéologique contient de moins en moins d’articles et de plus en plus de chroniques, et que d’autres revues seraient sans doute plus intéressantes. On fait par ailleurs remarquer que les numéros anciens de nombreuses revues sont désormais accessibles sur Internet et que certaines revues sont disponibles dans d’autres bibliothèques de Toulouse. Néanmoins les centres d’intérêt des membres de notre Société doivent être pris en compte, et il faut aussi réfléchir à ce que pourrait et devrait être notre bibliothèque dans les prochaines décennies.


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