Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 2015

separateur

Communication de Bernard SOURNIA

Une fondation universitaire au temps de la papauté avignonnaise : le collège-monastère Saint-Benoît-Saint-Germain à Montpellier

Du collège Saint-Germain-Saint-Benoît, un mémorialiste du XVIe siècle suggère en quelques mots admiratifs l’étonnante ampleur monumentale : « Ce tant bel et somptueux édifice, si point il y en avoit en France… grand et fort et aussi beau monceau de pierre de taille que fust en ce royaume après le palais de Avignon. » Tel est l’ouvrage offert par Urbain V à ses frères bénédictins de Montpellier, ville dans laquelle il avait enseigné le droit canon, l’enclos où loger ensemble, outre la communauté monastique, une centaine d’étudiants en droit, théologie et arts libéraux. C’est aussi le dernier objet de ses soins de ce côté des Alpes avant son départ pour Rome, la destination dont il avait fait, dès son élection, l’objectif central de tout son pontificat : le pape y vient passer deux grands mois, accompagné d’un fort contingent de la Curie, pour veiller aux finitions de l’entreprise, du 9 janvier au 8 mars 1367, avant son embarquement de Marseille le 19 mai. Dans le Montpellier du temps, c’est une création parachutée sans nul lien avec le contexte local, l’ouvrage de maîtres d’œuvre pontificaux qui imposent aux ouvriers locaux leur esthétique et leur technique constructive. L’opportunité de restaurations récentes sur l’église vient de permettre un examen rapproché des maçonneries et de mieux comprendre l’état initial de l’édifice avant les saccages liés aux troubles religionnaires de la fin du XVIe siècle. De faire la part, aussi, des réfections plus ou moins arbitraires des XVIIe et XIXe siècles. Cette investigation a été enfin l’occasion de réfléchir sur quelques caractères particuliers de la manière avignonnaise et de poser la question de leur influence sur le devenir tardif du style gothique.


Présents : MM. Cazes, Président, Pradalier, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Péligry, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Napoléone, Pradalier-Schlumberger, Vallée-Roche, Watin-Grandchamp, MM. Bordes, Garrigou Grandchamp, Lassure, Peyrusse, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Félix, Queixalós, MM. Burroni, Darles, Macé, Sournia, membres correspondants.
Excusés : M. Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mmes Bessis, Cazes, Lamazou-Duplan, Merlet-Bagnéris, MM. Garland, Penent, Pisani.

Le Président ouvre la séance en informant la Compagnie du décès de Maurice Berthe, dont les obsèques ont eu lieu le 30 novembre. Maurice Berthe, que nombre d’entre nous ont connu, était un homme parmi les plus remarquables de l’Université de Toulouse-Le Mirail et l’un des fondateurs du laboratoire FRAMESPA, dédié au Midi de la France et à la péninsule Ibérique. Sa disparition est une très grande perte pour l’Université et la communauté scientifique toulousaine.

Le Secrétaire-adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance du 1er décembre, qui est adopté.

Des dons viennent enrichir notre bibliothèque :
- Mme Jacqueline Carrabia complète un don antérieur avec les derniers numéros d’Archéologia et des Dossiers de l’archéologie ;
- Christian Darles offre l’ouvrage tout récemment paru Toulouse, naissance d’une ville, sous la direction de Jean-Marie Pailler, Toulouse, Éditions Midi-Pyrénéennes, 240 p.
Après avoir remercié les donateurs au nom de notre Société, le Président rend compte de la correspondance.
Françoise Bagnéris nous transmet copie de la réponse que M. Pierre Espuglas, adjoint au maire de Toulouse, a faite à sa demande de pouvoir accéder au fonds des dessins de l’École de Beaux-Arts conservé au Musée Paul-Dupuy : la présence de champignons empêche actuellement leur consultation, et leur décontamination demandera du temps.
La Fédération Historique de Midi-Pyrénées nous invite à participer à l’assemblée générale qui se tiendra le 23 janvier prochain aux Archives départementales de la Haute-Garonne : deux membres de notre Société peuvent participer à cette assemblée pour laquelle des candidatures au Conseil d’administration sont sollicitées.
Le Président poursuit avec diverses informations.
La Dépêche du Midi du 12 décembre fait état de la reprise du projet de galeries d’exposition dans l’ancien hôpital de la Grave, dans la partie qui sera récupérée par la Ville. Daniel Cazes rappelle que les risques d’inondation existent toujours, quoiqu’on en dise et malgré les travaux. Le Louvre et le Musée d’Orsay connaissent des situations analogues, qu’il faut gérer, mais on ne peut installer un nouvel établissement dans ces conditions. Christian Darles souligne que l’on commet en outre une erreur technique en croyant le risque écarté par l’endiguement de la Garonne dans Toulouse, car en cas de crue importante, l’eau reviendra en amont depuis Blagnac.
A également été annoncée une réunion publique autour de l’archéologie locale, l’association du quartier Saint-Agne – Niel souhaitant, semble-t-il, un centre d’interprétation : Christian Darles propose de se renseigner.

La parole est à Bernard Sournia pour une communication sur Une fondation universitaire au temps de la papauté avignonnaise : le collège-monastère Saint-Benoît-Saint-Germain à Montpellier .

Le Président remercie Bernard Sournia pour cet exposé passionné et passionnant de la conception, de la construction, et des malheurs puis de l’achèvement, ou du pseudo-achèvement, de l’édifice voulu par Urbain V. Tous les dessins réalisés pour l’étude témoignent d’une connaissance intime de l’édifice, et en soulignant toutes les finesses et les subtilités architecturales, cette communication est toute à la gloire de ce grand pape, auquel Toulouse doit le mausolée de saint Thomas d’Aquin. L’étude du cloître serait intéressante. Comme Bernard Sournia rappelle que l’étude n’en est pas possible, les bâtiments étant affectés à l’Université de médecine, Daniel Cazes dit que l’on a cependant l’impression, lorsqu’on est dans le cloître, d’une très grande chose. S’intéressant au porche, il considère que la référence salomonique n’est peut-être pas sans justification, en tout cas pour le souvenir de l’architecture antique que peuvent évoquer ses piles très puissantes. C’est à peu près au même moment que l’on achève la cathédrale de Tarragone où des obélisques surmontent les piles qui encadrent le portail.

Louis Peyrusse se demande si l’on ne fait pas un mauvais procès à Henri Révoil, alors que l’opus francigenum est peut-être le choix de l’évêque, qui s’impose à l’architecte diocésain. Bernard Sournia reconnaît que l’évêque a en effet exercé sur l’architecte une pression extraordinaire, et qu’il devra sans doute nuancer son propos, même si Révoil a lui-même considéré la cathédrale de Montpellier comme « sa fille chérie ». Peut-être en raison de l’importance du chantier ? observe Louis Peyrusse.
Henri Pradalier fait remarquer que pour ce type d’architecture, on considère habituellement que les constructions avignonnaises ont influencé le Languedoc, alors que c’est en fait l’inverse. La Clémentine comme la nef de Montpellier restent méridionales. Bernard Sournia se demande si les similitudes des architectures avignonnaise et languedocienne ne renverraient pas, plutôt qu’à des effets d’influence réciproque, à la similitude des contraintes techniques locales. Par exemple : dans le processus de construction des pays du Nord, la mise en place de la charpente à chevrons portant fermes préalablement à la construction de la voûte induit un système formel propre, impossible à transposer dans le contexte méridional où persiste le principe des toits bas sur fermes romanes et où la voûte, bien souvent, porte son extrados en couverture. On aimerait savoir, sous ce rapport, comment les choses se sont passées à Narbonne ou à Carcassonne. Cet aspect technique a-t-il fait l’objet d’études spécifiques ? Il ne semble pas, répond Michel Pradalier.
Olivier Testard fait observer que si la voûte du porche de Montpellier avait été plus plate, la poussée aurait été plus forte. Bernard Sournia en convient, sans parvenir à comprendre ce qui s’est passé. À propos des processus de construction, Olivier Testard rappelle que la nef « raimondine » de la cathédrale de Toulouse, à partir de 1206, est voûtée avant que ne soient mises en place les fenêtres et que la charpente est posée sur la voûte.
Comme Henri Pradalier propose d’interroger Alain Girard sur la question des pénétrations, Bernard Sournia répond que celui-ci n’analyse pas le phénomène, et il ajoute que la difficulté de se représenter ces jeux de pénétration dans l’espace et de les conceptualiser a tendance à en décourager l’examen et l’étude.

Au titre des questions diverses, Guy Ahlsell de Toulza donne de nouvelles informations sur le chapiteau du cloître de Saint-Gaudens. Le conseil municipal de Saint-Gaudens s’est déclaré intéressé pour participer à l’achat, et les Amis de la collégiale pourraient apporter leur contribution. Notre Société pourrait-elle faire quelque chose ? Nous saurons en janvier quel complément financier serait nécessaire. Le Président déclare ne pas être contre notre participation, même symbolique au regard du prix.


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