Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 4 avril 2023

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Communication longue d’Anne-Laure Napoléone, Le palais de la famille Balène à Figeac

Commissaire royal et receveur du Périgord et du Quercy au duché d’Aquitaine, à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle, Géraud Balène éleva sa demeure principale à Figeac. Ce vaste édifice qui marque toujours le paysage urbain était composé de quatre corps de bâtiment disposés autour d’une cour et d’une tour au-dessus du passage d’entrée. Après avoir été le palais d’une puissante famille, l’édifice joua un rôle important dans l’histoire de la ville.

Présents : Mme Czerniak, Présidente, MM. Cabau, Directeur, Ahlsell de Toulza, Mmes Napoléone, Secrétaire générale, Machabert, Secrétaire adjointe Trésorier, M. Péligry, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Cazes, Fournié, Merlet-Bagnéris, MM. Balty, Cazes, Garrigou Grandchamp, Lassure, Macé, Peyrusse, Scellès, Sournia, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mmes Balty, Dumoulin, Ledru, Rolland Fabre, Rollins, membres correspondants.
Excusés : Mmes Pradalier-Schlumberger, Jaoul ; MM. Garland, Pradalier, Tollon.

La Présidente ouvre la séance en signalant un nouveau don qui vient enrichir notre bibliothèque : Pierre Garrigou Grandchamp offre un numéro de la revue European Journal of Post-classical Archaeologies, volume 2, mai 2012. Michèle Fournier informe ensuite l’assemblée que le vendredi 14 avril, à la Bibliothèque d’Études Méridionales, se tiendra un séminaire « Autour de saint Jacques à Toulouse ». Ce séminaire, organisé par l’équipe TERRAE, annonce un colloque programmé pour novembre 2023.
Laurent Macé propose que la dernière séance de l’année académique soit dédiée à Jean-Luc Boudartchouk. Une communication de notre regretté ami était en effet programmée le 13 juin. Certains membres pourraient évoquer des travaux qu’ils avaient engagés en commun avec lui. Cette séance pourrait être l’occasion de présenter des documents ou une ébauche des recherches en cours et, ainsi, rendre hommage à la mémoire de notre éminent confrère. La Présidente trouve l’idée excellente et remercie Laurent Macé pour cette très bonne initiative. La proposition sera relayée auprès des membres afin de coordonner la séance.
Enfin la Présidente se réjouit du succès de la séance publique de la Société. Le 26 mars l’assistance était nombreuse dans la salle Clémence-Isaure, et Virginie Czerniak remercie les conférenciers d’avoir contribué à cette belle réussite.

La Présidente donne ensuite la parole à Anne-Laure Napoléone pour la communication longue du jour : Le palais de la famille Balène à Figeac.
Virginie Czerniak remercie notre consœur pour ce travail impressionnant. Elle demande si une telle hauteur, de dix mètres, pour une aula, est courante ; quelle est la surface de la pièce ? Elle fait 180m2 avec vingt-deux mètres de long et elle occupe tout un corps de bâtiment, répond Anne-Laure Napoléone. Puis Virginie Czerniak revient sur les peintures mentionnées par un journaliste dans un article paru après l’incendie du début du XXe siècle. Anne-Laure Napoléone explique que l’auteur se désole seulement des lambeaux qui se décollent et laissent apparaître ces peintures. Aucune description n’en est proposée alors, ni au moment de la construction du théâtre. Lors de la transformation en salle de cinéma, les murs ont été doublés. Peut-être reste-t-il des traces ou des vestiges derrière ces parois toujours en place ? Virginie Czerniak demande ensuite si une analyse dendrochronologique est envisagée sur le morceau de poutre retrouvé dans le mur. Anne-Laure Napoléone avoue y penser, mais il faudrait plusieurs bois pour que la dendrochronologie soit fiable. L’intérêt d’une telle étude n’est pas primordial puisque les datations sont déjà bien établies, note Virginie Czerniak. Anne-Laure Napoléone explique avoir pris le parti de proposer des datations en se fondant sur les textes plutôt que sur le style des sculptures. Les deux approches semblent concorder.
Pierre Garrigou Grandchamp remercie à son tour notre consœur pour son travail sur un bâtiment actuellement dans un état épouvantable. Il rappelle que le palais Balène est un des plus beaux monuments civils du début des années 1300 en France. Le Quercy est le seul endroit, avec le milieu avignonnais (Avignon et Villeneuve-lès-Avignon), où un panorama des grandes demeures « aristocratiques » en France peut être dressé. À Paris, elles ne sont connues que par des sources écrites ; dans le reste de la France, tout a disparu. Le milieu est donc extraordinairement intéressant, mais il est pourtant très mal traité. Aucun de ces édifices n’a bénéficié d’une étude complète, d’un PCR (Programme Collectif de Recherche)... Ce désintérêt est regrettable, poursuit Pierre Garrigou Grandchamp, car, ainsi que l’a prouvé cette communication, la documentation et l’analyse des vestiges permettent de restituer avec précision les formes architecturales et la distribution de ce palais. Il souligne l’intérêt du bâtiment sous l’aspect des formes. Celles-ci traduisent en effet un basculement, puisque deux vocabulaires se mélangent, avec un apogée du style rayonnant à travers les grandes fenêtres à réseau, et des croisées déjà très présentes sous toutes leurs formes : les croisées à remplages avec des trilobes en partie inférieure, tandis que d’autres, plus sèches, donnent sur la cour. Ainsi la précocité de cette nouvelle forme se révèle, puisque le gothique est arrivé dans la région dans le courant de la seconde moitié du XIIIe siècle.
Louis Peyrusse demande : que souhaite faire la Mairie de Figeac de ce bâtiment ? Anne-Laure Napoléone explique que la municipalité utilise le rez-de-chaussée réaménagé comme salle d’exposition, de conférence… Elle espère que la parution de l’article tiré de cette communication fera évoluer la situation. Louis Peyrusse précise ensuite que la façade néo-gothique, avec son portail et son fronton, est à considérer dans son contexte. Elle doit être restituée dans l’histoire des restaurations des années 1930 ; elle incarne la postérité de Viollet-le-Duc et de ses disciples. Elle fait aussi partie de l’histoire de l’édifice. Anne-Laure Napoléone ajoute que c’est en raison de ces transformations que l’édifice est inscrit et non pas classé à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Virginie Czerniak relève que le palais de l’Hébrardie de Carjac est aussi dans un état préoccupant. Elle songe également à la maison Lobios de Moissac et à sa grande salle sous charpente de 130 m2, qui n’a jamais été étudiée. Maurice Scellès ajoute que le palais épiscopal de Cahors disposait également d’une grande salle avec des fenêtres à réseau. L’édifice reste à étudier entièrement ; les caves médiévales et le corps principal sont conservés. Le constat est regrettable : malgré les démarches signalant leur intérêt et alertant sur leur état, les autorités délaissent ces monuments. Anne-Laure Napoléone précise qu’à Figeac, la municipalité se montre à l’écoute.
Daniel Cazes se dit saisi par les dimensions du palais Balène. Elles renvoient aux grands palais toscans comme celui du Bargello. Les palais italiens de ces proportions disposent toujours d’une chapelle, poursuit Daniel Cazes, il demande alors : est-il possible d’imaginer la présence d’une chapelle au palais Balène ? Anne-Laure Napoléone répond que, en l’état actuel, elle ne voit pas où elle pourrait se situer dans l’édifice. L’hypothèse est avancée pour le palais de la Raymondie, à Martel, dont la tour, au premier étage, est très soignée et voûtée. Peut-être était-ce le cas aussi au palais Balène, mais la tour n’existe plus. Louis Peyrusse demande si la documentation mentionne l’établissement d’une chapelle, ce qui suppose des autorisations. Anne-Laure Napoléone indique qu’au XVIe siècle la salle a été transformée en chapelle dédiée à saint Louis, mais la destination d’origine n’a pas alors été nécessairement respectée. Pierre Garrigou Grandchamp rappelle que le Lot a une densité et une qualité de bâtiments égales à celles de la Toscane. Il évoque en exemple les maisons-tours de la rue du Four-Sainte-Catherine à Cahors ; aucun équivalent de maisons-tours aussi grandes n’a été trouvé en Italie. Celles du Lot sont les plus grandes et les plus belles, mais aussi les plus abîmées. Quitterie Cazes demande s’il existe une hiérarchie dans les types d’ouvertures. Anne-Laure Napoléone confirme qu’à cette époque une hiérarchie est visible : les fenêtres à réseau signalent la partie la plus importante de l’édifice, tandis que des croisées sont employées dans les parties secondaires. À Figeac, un autre bâtiment de la même époque (l’hôtel situé au n° 39-43 de la rue Gambetta) dispose de fenêtres à réseau à l’étage (au niveau de la salle) et de croisées au second étage. Au palais de la Raymondie, construit 10-15 ans après Balène, toutes les fenêtres sont identiques. Dès lors, la salle n’est plus identifiable sur les façades. Maurice Scellès complète : au palais Duèze de Cahors, les fenêtres des élévations secondaires sont de simples baies géminées à deux lancettes séparées par une colonnette mais pour la chambre de parement (niveau inférieur sur la façade) des croisées à réseau ont été choisies. Cela laisse ainsi imaginer que les fenêtres de la grande salle donnant sur la rue étaient des fenêtres à réseau comparables à celles du palais Balène. Quitterie Cazes demande : des édifices avec des fenêtres aussi grandes ou plus grandes qu’à Balène sont-ils connus ? Anne-Laure Napoléone explique que les palais empruntent généralement au vocabulaire des architectures militaire et princière, mais le palais Balène emprunte à l’architecture religieuse, notamment avec les grandes fenêtres et le portail à voussures situé au pied de la tour. Laurent Macé s’intéresse à l’activité commerciale de ces palais : les arcades du rez-de-chaussée du palais de la Raymondie à Martel ouvraient-elles sur des boutiques ? Pour Anne-Laure Napoléone, cela paraît évident dans ce cas. Le palais se situe au centre de la ville, place des Consuls. Tout dépend du positionnement du palais dans la ville. Celui de Balène est en retrait des axes principaux, il n’est donc pas ouvert pour le commerce. Maurice Scellès indique qu’il y avait aussi, sans doute, des boutiques au palais Duèze. Pierre Garrigou Grandchamp ajoute qu’au palais de l’évêché à Cahors tout le rez-de-chaussée est ouvert d’arcades sur une des rues principales. Il serait intéressant de connaître leur fonction, complète Maurice Scellès : l’évêché avait-il des boutiques louées ? Quitterie Cazes rappelle que, dans un autre contexte, aux XVIe-XVIIe siècles, au monastère de la Daurade à Toulouse, toutes les ouvertures sur la rue Peyrolières sont des boutiques louées et cela correspond sans doute à un système médiéval. Certaines ouvertures peuvent donner sur des lieux de stockage ou des écuries, les fonctions peuvent être polyvalentes, suggère Anne-Laure Napoléone. Pour Maurice Scellès, il est aussi possible que la série d’arcades devienne un motif, notamment pour le palais épiscopal de Cahors.
Guy Ahlsell de Toulza exprime sa stupéfaction devant la manière dont le palais Balène a été maltraité, en toute connaissance de cause, avec notamment l’emploi excessif du béton. Les travaux successifs du siècle dernier ont été réalisés sans aucun respect de l’édifice. Pierre Garrigou Grandchamp souligne que l’intérêt pour l’architecture civile médiévale est récent. Ce patrimoine a longtemps été négligé. De Viollet-le-Duc jusqu’à Camille Enlart, la même importance était accordée à toutes les architectures (civile, militaire, religieuse, monastique…), puis il y a eu un « effondrement général ». Entre les deux guerres et jusqu’aux années 1970, l’architecture civile médiévale a été délaissée. Anne-Laure Napoléone précise que les travaux visés ont été réalisés avant la création du secteur sauvegardé de Figeac. Plusieurs membres se questionnent sur le devenir du palais Balène et de nombreux autres palais évoqués. Le manque d’investissement des autorités est souvent justifié par l’absence de fonction dévolue à ces bâtiments. Pierre Garrigou Grandchamp réfute cet argument : cet édifice vaut par lui-même ! Le palais des Papes d’Avignon montre qu’une utilisation est possible en préservant le bâtiment, remarque Guy Ahlsell de Toulza.
Enfin le Trésorier annonce la venue prochaine de Google Street View à l’Hôtel d’Assézat, afin de réaliser des vues à 360° des salles de l’Académie des Jeux Floraux. Il propose que la salle des séances de la Société Archéologique du Midi de la France soit également photographiée.

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