Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 18 avril 2023

separateur

Communication longue de Sophie Duhem et Gérard d’Alto (invité), L’entreprise familiale des Pedoya, peintres itinérants au XIXe siècle

Présentation par Sophie Duhem de Gérard d’Alto, du projet Banditi et de l’état des recherches menées actuellement à l’université.
Gérard D’Alto interviendra sur le sujet :
« Récolter le fruit de son labeur au XIXe siècle : la longue quête de Jean-Antoine Pedoy face à la fabrique de Rieux ».
Sa conférence s’attardera sur l’examen de « l’affaire Pedoya » qui a duré près d’une trentaine d’années (1833-1862), et qui a opposé le peintre et entrepreneur Jean-Antoine Pedoya à la fabrique de Rieux. Après avoir exposé l’histoire de ce procès au « long cours », il montrera l’intérêt que représente « l’analyse de réseau » - méthodologie issue des sciences sociales, pour l’étude de la commande artistique en milieu rural et la connaissance du milieu des peintres italiens itinérants.
Présents : Mmes Czerniak, Présidente, Napoléone, Secrétaire générale, Machabert, Secrétaire adjointe, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Bessis, Cazes, Fournié, Jaoul, Merlet-Bagnéris, Pradalier-Schlumberger, MM. Cazes, Julien, Penent, Peyrusse, Scellès, Suzzoni, Testard, membres titulaires ; Mmes Duhem, Rolland Fabre, Rollins, membres correspondants.
Excusés : Mme Balty, MM. Balty, Cabau, Garland, Garrigou Grandchamp, Kerambloch, Pradalier et Tollon.
Invités : Mme Mariana Burasovitch (étudiante), M. Gérard D’Alto (étudiant).

Notre Présidente ouvre la séance et nous informe de l’organisation prochaine de deux manifestations : le 147e Congrès national des Sociétés historiques et scientifiques qui se tiendra du 23 au 26 mai prochains à l’Université de Toulouse 2 – Jean Jaurès avec le titre Effondrements et ruptures, et le Congrès de la Fédération historique de la Région Occitanie qui se réunira sur le thème De Tautavel à la Région Occitanie, la fabrique des territoires, du 16 au 18 juin 2023 à Montpellier.
Par ailleurs, deux courriers en date du 14 avril nous ont été adressés : le premier émane de l’association La Renaissance du château de Scopont et le second du propriétaire du château, Bernard d’Ingrando, nous demandant notre soutien dans le cadre du projet de l’autoroute A69 dont le tracé mettrait en péril la conservation de l’édifice. Ces correspondances sont accompagnées de tous les documents qui ont déjà été envoyés au Préfet, au DRAC, etc. Ce problème ayant déjà été examiné (séance (cf. du 21 mars 2023), il reste à la Société de faire un courrier pour appuyer cette demande.

Virginie Czerniak accueille chaleureusement nos deux invités, dont l’un va activement participer à la communication de ce jour. Puis elle présente le volume double de nos Mémoires (t. LXXX-LXXXI, 2020-2021) qui vient d’être imprimé.

Elle donne enfin la parole à Sophie Duhem et Gérard D’Alto pour une communication longue intitulée : L’entreprise familiale des Pedoya, peintres itinérants au XIXe siècle.
Notre Présidente remercie les deux intervenants et demande des informations sur le logiciel d’analyse de données Gephi utilisé pour le traitement des sources. Gérard D’Alto répond qu’il a commencé par faire des tableaux Excel en partant des édifices. Il a inclus dans ces tableaux toutes les données disponibles dans les sources. Cela suppose de relever tous les noms secondaires, ajoute Sophie Duhem, et certaines sources, comme les recensements, l’état civil, les registres paroissiaux…, se prêtent bien à cette récolte de données et permettent d’établir les relations. Le logiciel Gephi, explique encore Gérard D’Alto, représente par exemple un point par personnage et un trait par relation. Plus les relations sont nombreuses, plus le trait est épais. De plus, reprend Sophie Duhem, cela permet de repérer des éléments que la seule lecture des documents ne laisse pas apparaître. Il faut donc veiller à ne pas multiplier les entrées pour ne pas complexifier les graphes, fait remarquer notre Présidente. En effet, répond Sophie Duhem, c’est un travail qui demande une longue réflexion en amont. Virginie Czerniak demande enfin ce qu’il en est du curé Pailhes : était-il réellement malhonnête dans la gestion des affaires ? Les sources laissent entendre en tout cas qu’il a tout fait pour redonner du faste à l’Église, répond Gérard D’Alto. Louis Peyrusse demande quel était le prénom de l’abbé d’Aldéguier ? Il évoque les trois ou quatre grandes familles d’Aldéguier de Toulouse dont faisait partie un ancien Président de notre Société (Auguste d’Aldéguier, magistrat, † 1866), et pense que le curé dont il est question appartenait certainement à l’une d’elles. Il avait donc toutes ses entrées à l’archevêché. Il faut sans doute consulter l’étude qui a été faite sur le clergé toulousain du XIXe siècle par l’ancien archiviste de l’archevêché. L’Ordo du diocèse de Toulouse peut également indiquer son prénom. Ce personnage avait certainement une tout autre surface sociale que le curé Pailhes. Notre ancien Président est également très étonné par la somme importante due par ce dernier : 8 164 francs. C’est en effet le drame de l’histoire, reprend Sophie Duhem : à partir du moment où les Pedoya se constituent en entrepreneurs, ils ont beaucoup de mal à se faire payer après les chantiers. Louis Peyrusse voudrait connaître la nature des travaux à payer : s’agit-il seulement de peintures ou de la réfection de chapelles avec plâtre, maçonnerie… Gérard D’Alto répond qu’il y a eu trois campagnes de travaux (1833, 1836, 1839), où l’entreprise emploie des plâtriers, des maçons et un menuisier. Il fait remarquer que le travail de François Pedoya à Fronton a coûté 13 000 francs pour les travaux sur toute la voûte. La somme de 8 164 francs sur trois campagnes n’est donc pas exorbitante. Le problème, reprend Louis Peyrusse, est le partage entre maçonnerie, peinture et décoration. S’il ne s’agit que de peinture, c’est une somme bien supérieure à celle de la vente de tableaux importants à la même époque ; il s’agit là simplement d’avoir un ordre d’idée. Sophie Duhem fait remarquer que cette dette constitue un drame pour la famille qui paye ses ouvriers et vit difficilement. Gérard D’Alto ajoute que cela va d’ailleurs causer sa perte, comme en témoignent certains courriers. L’analyse de réseaux peut être discutée, reprend Sophie Duhem, mais elle a l’avantage dans certains cas de repérer des acteurs secondaires auxquels on n’aurait jamais prêté attention à la simple lecture de documents d’archives. Pascal Julien fait remarquer que le graphe indique que des artisans locaux sont sollicités, alors que l’on s’attendrait à voir les mêmes ouvriers suivre tous les chantiers de ces peintres itinérants. Gérard D’Alto confirme ce fait et ajoute qu’il est aussi intéressant de confronter différents graphes en prenant l’exemple des travaux effectués à Rieux-Volvestre où les sources mentionnent l’origine des capitaux et la liste des ouvriers. Les graphes permettent de voir sur quels chantiers ont travaillé ces ouvriers. Louis Peyrusse demande s’il a été possible de faire dans ces tableaux numériques des statistiques sur l’iconographie. Sophie Duhem répond qu’ils ne se sont pas encore attaqués à ce travail mais qu’il est prévu. Elle voudrait intégrer les motifs peints, après les avoir bien identifiés, et faire des rapprochements stylistiques et iconographiques pour laisser justement apparaître sur les cartes des rapprochements que l’on n’aurait pas soupçonnés. Gérard D’Alto ajoute que la base de données contient actuellement 10 000 images. Louis Peyrusse rappelle que les Pedoya sont tout de même des hommes célèbres qui sont entrés dans la littérature grâce à Ferdinand Fabre ; il demande si l’étude critique du récit de cet auteur, Le roman d’un peintre, a été faite, car il est intéressant d’analyser un document qui est arrivé au grand public de l’époque. Il a été lu attentivement, répond Sophie Duhem, et il a été présenté dans un séminaire il y a deux ans. En outre, même dans la bibliographie récente, on présente encore ces artistes comme des « barbouilleurs », ce qui montre de quelle manière ils ont été désignés dans l’historiographie depuis le XIXe siècle et justifierait peut-être l’état de ce patrimoine aujourd’hui. Le cas de Ceroni est intéressant, poursuit-elle : il est présent à Toulouse en 1820 et décore les salles du Musée des Augustins, alors que les Pedoya travaillent à la cathédrale Saint-Étienne. Dans les années 1815-1820, ils sont appréciés et font l’objet de louanges, mais la pression de la commande artistique les oblige à quitter progressivement la ville pour travailler sur des chantiers plus faciles à remporter pour eux. Ce glissement vers l’extérieur de la ville a été également noté pour Albi. Gérard d’Alto reprend : à ce travail d’historien fondé sur le traitement des sources, il manque celui du sociologue pour mieux appréhender les relations. En effet, ajoute Sophie Duhem, nous aimerions savoir s’il existe des fréquentations entre les artistes : entre les Ceroni et les Pedoya par exemple, ce qui reste difficile à mettre en évidence. Quelles sont les interactions avec la ville de Toulouse et l’école des Beaux-Arts ? Quel est le rôle joué par les frères Bach dont l’un peint quelques années après dans l’esprit de ce que font les Pedoya, donc la question de l’influence sur les peintres toulousains se pose ? C’est un effet de mode qu’il faut essayer de caractériser, fait remarquer Louis Peyrusse, d’où l’intérêt de se pencher sur l’iconographie pour voir d’abord quels sont les sujets à la mode. Sophie Duhem fait remarquer que l’on trouve dans les sources des commandes de peintures dans le style byzantin ou néo-gothique, mais le travail de Mariana Burasovitch a montré que les Pedoya ont des répertoires d’ornements issus de recueil imprimés au XIXe siècle à Paris (de motifs ornementaux de la Sainte-Chapelle), contrairement à Bosia qui est lui très tourné vers le répertoire des XVIIe et XVIIIe siècles, on voit donc à la même époque des sources d’inspiration différentes.
Notre Trésorier fait remarquer aux intervenants qu’à l’hôtel de Fournasse à Rabastens se trouve un salon peint par les Italiens vers 1874-75. Celui-ci est richement orné dans le style néo-gothique. Un autre salon est décoré de grandes fleurs dans le style Napoléon III. Il se demande si les frères Ceroni, basés à Lavaur, se sont chargés de ces décors ? Pascal Julien fait remarquer qu’en Italie on fonctionne en réseau familial, alors que dans le cas présent on est en réseau professionnel ; il se demande s’il y a des interconnections entre ces réseaux. Gérard d’Alto pense que la famille est restée en Italie, il est d’ailleurs question d’une sœur malade dont le fils Riccardo vient travailler en France dans un second temps. Sophie Duhem note également que Bosia fait venir ses pigments d’Italie. Elle fait du reste remarquer que ces artistes circulent beaucoup et sur de longues distances ; la question du moyen de transport reste posée. Virginie Czerniak demande où se trouvait l’atelier de peinture sur chevalet des Pedoya. Probablement à Pamiers, répond Sophie Duhem. Gérard D’Alto récapitule : François, le plus doué, fait les tableaux ; Jean-Antoine s’occupe de l’entreprise, il circule beaucoup pour chercher les marchés ; Riccardo gère les petits chantiers. L’analyse de réseaux est une entreprise particulièrement complexe conclut Sophie Duhem.
Quitterie Cazes trouve ce travail passionnant et propose aux orateurs de venir faire à la Société un petit point annuel sur leur travail de recherche.

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