Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 9 janvier 2024

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Communication courte de Céline Ledru, Le concile de Toulouse de 1119 : des rencontres et des transferts de modèles.
Communication courte d’Émilie Nadal, Les livres d’Amanieu d’Armagnac, archevêque d’Auch (1262-1318).

Le concile de Toulouse de 1119 : des rencontres et des transferts de modèles
L’ensemble des chapiteaux du deuxième atelier de la Daurade de Toulouse comporte un certain nombre d’éléments graphiques originaux qui se retrouvent en différents lieux a travers l’Europe.
Le concile de Toulouse de 1119, serait le lieux de rencontre de différents protagonistes.
Nous examinerons cette hypothèse de liens de Toulouse avec l’Angleterre et l’Allemagne au XIIe siècle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Bible glosée d’Amanieu d’Armagnac, archevêque d’Auch (1262-1318)
Amanieu d’Armagnac, archevêque d’Auch entre 1262 et 1318, fait partie du petit groupe de prélats bibliophiles du Sud-Ouest de la France et posséda une centaine de livres d’après ses inventaires après décès. Parmi ceux-ci, une remarquable bible glosée et enluminée retient notre attention. Après avoir évoqué les volumes de la Bibliothèque nationale de France déjà repérés par François Avril, nous ajouterons un volume inédit conservé à la cathédrale de Tortosa.

 

Présents : Mme Czerniak, Présidente, MM. Cabau, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry, Bibliothécaire-Archiviste, Mmes Napoléone, Secrétaire générale, Machabert, Secrétaire adjointe ; Mmes Bessis, Cazes, Fournié, Jaoul, Merlet-Bagnéris, Nadal, MM. Cazes, Garrigou Grandchamp, Macé, Peyrusse, Scellès, Sournia, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mmes Hénocq, Ledru, Rolland Fabre, MM. Carraz, Dubois, Kérambloch, Mange, Rigault, membres correspondants.
Excusés : Mmes Balty, Brouquet, Caucanas, Dumoulin, Watin-Grandchamp ; MM. Balty, Garland, Tollon.

La Présidente ouvre la séance en présentant ses vœux pour cette nouvelle année. Elle rappelle ensuite que la première commission dédiée à l’organisation des festivités du bicentenaire de notre Société se réunira mardi prochain, le 16 janvier à 17 h. Tous les membres qui souhaitent s’impliquer dans cet événement sont invités à cette séance. Cette commission se retrouvera régulièrement suivant un calendrier qui sera discuté. Puis Virginie Czerniak nous informe que la présentation des candidatures annoncée à l’ordre du jour n’aura pas lieu ce jour en raison d’un problème technique ; elle est donc reportée à la séance du 23 janvier. Enfin, elle remercie Louis Peyrusse pour le don de deux ouvrages richement illustrés qui viennent enrichir notre bibliothèque : Muséum sacré. Stations pittoresques d’un artiste dans une cathédrale gothique, ou description des vitraux peints de l’église de Sainte-Marie d’Auch, par G. G. Lettu (Auch, J. A. Portes) et Peintures murales des chapelles de Notre-Dame de Paris, exécutées sur les cartons de E. Viollet-le-Duc révélées par Maurice Ouradou (Paris, Morel).

Notre Présidente donne ensuite la parole à Céline Ledru pour la première communication courte du jour : Le concile de Toulouse de 1119 : des rencontres et des transferts de modèle.
La Présidente remercie notre consœur pour sa présentation qui convoque les données prosopographiques de manière louable, mais elle avoue toutefois ne pas être convaincue par la démonstration. Pour Virginie Czerniak, les thèmes de chapiteaux de la Daurade sont universels, d’autre part la mise en parallèle d’œuvres très éloignées dans le temps, près d’un siècle pour l’exemple d’Hildesheim, ne lui paraît pas pertinente. Laurent Macé demande : qui a convoqué ce concile à Toulouse en 1119 et pourquoi le pape vient-il à Toulouse au moment où le comte est absent ? Laurent Macé s’interroge également sur la façon dont les modèles ont pu circuler aussi rapidement. Céline Ledru répond que le pape vient d’être élu et il entreprend un tour de France et fait étape à Toulouse où il consacre un autel à Saint-Sernin. Il se rend ensuite à Cahors et à Montpellier. L’objectif de ce voyage est de rejoindre l’empereur d’Allemagne pour discuter avec lui de la querelle des investitures. Elle ajoute que la présence du duc d’Aquitaine ne semble pas interférer sur ce voyage papal. Concernant la question du transfert rapide de modèles, notre consœur explique que les échanges informels – descriptions orales, croquis rapides – peuvent suffire à diffuser des idées, elle a pu le constater elle-même dans sa pratique d’ébéniste. Ces échanges infusent et donnent lieu à des productions, qui, sans être identiques, présentent des similarités formelles. Quitterie Cazes trouve intéressante la démarche proposée pour essayer de dater ces sculptures du deuxième atelier de la Daurade de Toulouse, car pour l’heure aucun élément concret ne permet de les situer dans une chronologie ; néanmoins, aucun élément avancé n’emporte totalement son adhésion. La réunion de personnalités à Toulouse, ou même de simples échanges épistolaires, ne peuvent créer un ensemble de motifs, poursuit-elle. En revanche, il apparaît évident qu’à la Daurade les motifs sculptés sont recherchés et très construits, ce qui traduit une volonté très aiguisée de discours par l’image.
Patrice Cabau rappelle que lorsque le pape Calixte II est élu, au début de l’année 1119, il se trouve à Cluny. Il descend vers le Languedoc avant de remonter vers Reims en passant par Toulouse. Il a indiqué pour le 6 juillet un concile à Toulouse pouvant être qualifié de « général » mais peu nombreux, en comparaison de celui tenu à Reims en octobre. Il reste peu de textes sur ce concile de Toulouse : une série de canons ayant trait à la discipline ecclésiastique et des arbitrages d’affaires anciennes entre évêchés ou monastères qui sont tranchées à Toulouse par le pape. Ainsi, les documents ne concernent pas Toulouse même, souligne notre Directeur. Au sujet du contexte, il précise qu’à cette époque il y a un pouvoir vacant à Toulouse puisque le comte de Poitiers, duc d’Aquitaine, est remonté dans ses domaines, tandis que le comte de Toulouse, Alphonse, est occupé du côté du Rhône ; la chronologie reste à éclaircir pour dater son retour à Toulouse. Rien ne peut donc être inféré de ce concile au sujet de la situation politique dans la ville.
Daniel Cazes, qui s’intéresse depuis longtemps aux sarcophages, considère qu’il ne faut pas tirer des conclusions hâtives sur les modèles, car ce qui est représenté sur les chapiteaux de la Daurade est très commun dans tout l’Empire romain. Ces sarcophages se sont diffusés tout autour de la Méditerranée et en Europe. Deux vagues se discernent, une première diffusion pouvant être qualifiée d’origine lorsque de riches commanditaires font venir – essentiellement de Rome – ces sarcophages pour leur mausolée ; une seconde s’opère pendant le Moyen Âge avec la réutilisation de ces éléments. Le sarcophage étant devenu le modèle du tombeau du Christ, chaque grand de ce monde – ecclésiastiques, comtes ou rois – cherche à se faire enterrer dans un sarcophage de ce type. Ces modèles sont ainsi très courants. Daniel Cazes remarque ensuite que la peinture du Noli me tangere, se trouvant sur un pilier (collatéral nord) de la basilique Saint-Sernin et datée de 1119, n’a pas été évoquée ; or la composition a beaucoup à voir avec les inclinaisons « chorégraphiques » des chapiteaux de la Daurade. Il ajoute que l’étude de cette peinture réalisée par Natacha Piano est intéressante surtout pour le relevé qu’elle propose de l’inscription peinte. Virginie Czerniak précise que c’est notre confrère Jean-Marc Stouffs qui a effectué le relevé. L’article a paru dans le Bulletin Monumental en 2019 (177-2, p. 101-112). Daniel Cazes trouve ce rapport entre une peinture et une sculpture très intéressant car rare, il n’en connaît pas d’autres exemples.
Louis Peyrusse se dit frappé par l’ensemble de corrélations présenté pendant la conférence, toutefois il peine à imaginer les transferts de modèles précis lors d’éventuelles discussions entre des moines et des maîtres d’œuvres. Céline Ledru répond que les sculptures de la Daurade sont très riches et de nombreuses sources théologiques restent à démêler, une grande effervescence se détecte autour de l’interprétation des textes et la représentation en images. Aussi, elle suggère que les rencontres aient pu se faire, non entre des artistes, mais entre des commanditaires, ces derniers transmettant ensuite aux sculpteurs les idées recueillies. Selon elle, la circulation peut, de la sorte, être très rapide. Quitterie Cazes met en garde sur le sens de ces circulations : si on considère que le concile de Toulouse est à la base de la diffusion, cela signifierait que les autres productions sont postérieures. Pour Céline Ledru, il s’agit de ponts entre les différentes régions (Italie du Sud, Allemagne …). Elle précise qu’en aucun cas elle ne tente d’établir une chronologie.

La parole est ensuite donnée à Émilie Nadal pour une communication courte consacrée à La Bible glosée d’Amanieu d’Armagnac, archevêque d’Auch (1262-1318).
Notre Présidente remercie Émilie Nadal pour son enquête, véritable modèle méthodologique. Cette présentation complète de manière passionnante le travail que notre consœur a déjà effectué sur les Dominicains de Toulouse. Elle souligne en effet que la piste des commanditaires méridionaux mérite d’être étudiée. Laurent Macé souhaite savoir si une mention d’armoiries a été trouvée dans l’inventaire concernant le coffre de stockage des manuscrits. Émilie Nadal répond qu’il n’y a aucune mention concernant la malle. Laurent Macé s’intéresse ensuite aux liens avec les ateliers parisiens évoqués et demande s’il y a un moyen de connaître l’origine de ces acquisitions. Notre consœur n’a pas encore exploré les pistes de François Avril qui permettront d’en apprendre plus sur les commandes. La découverte des serpentes, pièces de tissus cousues sur les manuscrits afin de protéger les enluminures, passionne l’assemblée. Émilie Nadal confirme que ces pièces sont assez rares. Marie-Pierre Laffitte, conservatrice à la B.N.F. les recense dans son article (dans Quand la peinture était dans les livres. Mélanges en l’honneur de François Avril, 2007, p. 139-144). L’auteur date les plus anciennes du IXe siècle. Notre consœur signale qu’à Toulouse subsistent des vestiges : sur certains parchemins des trous de couture sont visibles. Daniel Cazes remarque que cela témoigne de la valeur extraordinaire qui était accordée à ces images. Guy Ahlsell de Toulza rappelle que cette technique de protection est connue pour les gravures.
Damien Carraz se pose la question du lien avec la bibliothèque capitulaire qui devait forcément exister : est-ce que les bibliothèques épiscopales et capitulaires étaient soigneusement distinguées, y avait-il des circulations de manuscrits ? Amanieu a-t-il pu hériter de quelques manuscrits des chanoines ? Sur ce dernier point Émilie Nadal répond par l’affirmative. Damien Carraz précise que si aucune source mentionnant la bibliothèque des chanoines en soi n’est connue, il y a des maîtres chez les chanoines dès le XIIe et au XIIIe siècles, des manuscrits étaient donc probablement présents dans l’entourage des chanoines. Ces manuscrits étaient-ils échangés ? Ce n’est pas évident, note Quitterie Cazes. Damien Carraz relève que cela pose la question du statut de ces bibliothèques : sont-elles communautaires ou est-ce que certains manuscrits sont la propriété privée de certains chanoines ? Michelle Fournié ajoute que certains ouvrages sont prêtés. C’était le cas au sein des réseaux monastiques, complète Damien Carraz.
Michelle Fournié indique que dans la thèse d’Hugues Labarthe : Un espace frontière au défi d’une crise internationale (Grand Schisme d’Occident – Gascogne, vers 1370-1430), Université de Toulouse-Le Mirail, 2009, se trouvent des notices concernant les archevêques d’Auch ; des éléments utiles peuvent peut-être y être puisés pour la période antérieure.

Émilie Nadal est actuellement dans l’attente pour commencer un programme de recherche dédié au fonds des Augustins, aussi Daniel Cazes lui demande si elle a eu l’opportunité de travailler sur le lieu-même de la bibliothèque, implantée dans le bâtiment sud du couvent. L’espace avait été réutilisé au XIXe siècle par l’école des Beaux-Arts de la Ville. Des archives – plans ou dessins – subsistent-elles pour ce bâtiment ? Cette bibliothèque des Augustins était réputée pour être extraordinaire et les étrangers de passage à Toulouse venaient la visiter, comme celles des Dominicains et des Cordeliers. Notre confrère s’inquiète du projet actuel de réaménagement du Musée des Augustins : des fouilles ont été menées mais qu’en restera-t-il ? Virginie Czerniak confirme que des fouilles ont été réalisées et des prélèvements effectués. Daniel Cazes regrette qu’aucune information n’ait été communiquée sur ce sujet.
Concernant la bibliothèque des Augustins, Françoise Merlet-Bagnéris signale qu’aux Archives départementales sont conservés des plans, complétés de descriptions hélas dissociées, datant de l’aménagement des locaux en école d’art, dans les années 1795-1800.

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