Société Archéologique  du Midi de la France
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Gabriel Bernet (1911-1998)

Membre de la S.A.M.F. (1974-1998)
separateur

 Un des plus anciens et des plus fidèles membres de notre compagnie nous a quittés alors que s’ouvrait la nouvelle année académique. Gabriel Bernet, d’abord membre correspondant de la Société Archéologique du Midi de la France en 1974, accéda à la titularisation le 18 janvier 1983. Cet honneur fut l’aboutissement d’une longue série de recherches conduites pendant de nombreuses années dans les Archives départementales. Le résultat en fut la publication de textes sur des sujets que les historiens n’avaient pas approfondis, tant les
thèmes traités par Gabriel Bernet relevaient d’une érudition méticuleuse,
limités à l’histoire locale.
 Les activités intellectuelles de notre regretté confrère se sont déroulées sous la double exigence de l’enseignement et de la rigueur. Né à Toulouse en 1911, marié en 1935, Gabriel Bernet eut quatre enfants. Toulousain, il le resta toute sa vie. Entré à l’École Normale du département en 1929, il en sortit en 1932, ayant acquis une somme de connaissances qu’il dispensa à des générations de jeunes élèves. Pour lui, être instituteur fut un sacerdoce laïque où le maître prêchait l’exemple par son comportement, son sens du civisme, sa volonté de transmettre le savoir. Cette vie s’est déroulée dans la discrétion. Gabriel Bernet était discret, très discret, confirmant le jugement de Jean-Jacques Rousseau dans l’Émile : les gens qui savent beaucoup parlent peu.
 Sa carrière professionnelle ne l’éloigna pas de Toulouse. Nommé à Bouzins en 1932, à Plaisance-du-Touch en 1934, c’est dix ans plus tard qu’il rejoignit Verfeil. En 1948, il exerça à Toulouse, d’abord à l’école du Nord, puis en 1957 au groupe scolaire Pierre-Dupont, terminant sa carrière comme maître permanent de classe d’application.
 Gabriel Bernet n’avait pas choisi de devenir chercheur. C’est néanmoins cette fonction qui le signala aux milieux cultivés de Toulouse. Il occupa ses loisirs à livrer des articles d’histoire locale à des revues savantes, articles dont on peut affirmer qu’ils n’étaient pas du genre superficiel. Ses écrits
puisaient les éléments de base dans des documents originaux jamais exploités.
 Notre confrère n’attendit pas d’être à la retraite pour étudier les détails de l’histoire d’un village qu’il connaissait bien. C’est ainsi qu’il livra, dès 1937, une étude sur la commune de Teulat, travail qui lui valut l’attribution de la médaille d’argent de notre société. La voie était ouverte. Il allait parcourir le chemin aride de la recherche, révélant ainsi sa vraie vocation. Ses travaux n’excluront aucun thème : seigneuries, paroisses, familles, bâtiments, faits divers. Son nom paraîtra dans les Annales du Midi, la Revue du Tarn, Archista, L’Auta et bien sûr, dans les Mémoires de notre société. On le trouvera aussi dans un ouvrage important sur le canal du Midi et dans les Actes d’une fédération historique et archéologique.

 On ne peut citer tous ses travaux. Rappelons que l’Académie des Jeux Floraux lui décerna un prix de prose en 1975 et, l’année suivante, le prix Pascal-Vidal. En 1970, le conseil d’administration des Toulousains de Toulouse lui offrit un siège. La société archéologique de Lavaur lui avait réservé par ailleurs un poste de vice-président. S’il n’est pas possible de citer l’ensemble des travaux de Gabriel Bernet, on ne peut omettre d’en rappeler quelques-uns. Tous étaient conduits avec rigueur, minutie, précision. Rien n’était accessoire pour lui. Sa curiosité privilégia d’abord les études sur les communes de Teulat et de Pugnères, proches de Verfeil, sans négliger pour autant d’autres sujets. Ainsi traita-t-il de l’hôtel de Montbel qui connut d’illustres occupants : les Malaret, Montbel, Auguste Puis et Paul Voivenel.
 Gabriel Bernet tira de l’oubli l’ancien château où demeuraient les Malaret au XVIIIe siècle et au début du XIXe, quand ils quittaient l’hôtel d’Hautpoul à Toulouse. On lui doit aussi une étude approfondie de la maison des Ferrier et de l’enclos des Benech, domaine situé à Toulouse à l’angle des rues Joly et des Trente-six-Ponts. L’étude de cette bâtisse massive et de l’enclos prend source au XVIe siècle, époque où les Ferrier les possédaient avant de devenir plus tard les propriétés d’Antoine Darquier et de connaître le morcellement. En quelques pages, Gabriel Bernet nous instruit sur les maîtres-maçons, les détails de la construction, les caractéristiques des bâtiments, les matériaux utilisés, les contrats et tous les propriétaires successifs et leurs familles.
 C’est bien d’une famille de procureurs et de conseillers que nous entretient ce chercheur exigeant lorsqu’il traite des Reste, de l’étymologie du nom et du château. Il n’est pas jusqu’à la belle demeure du comte d’Espie, due à Labat de Savignac, souvent étudiée et décrite, qui ne retienne l’attention de Gabriel Bernet. Son long article expose tous les détails, souvent inédits, de la construction de l’hôtel ainsi que les circonstances des transactions dont il fut l’objet au cours du temps.
 Pour Gabriel Bernet le moulin de Nagasse sur le Girou, étudié à partir de documents dont les plus anciens remontent au XIVe siècle n’a rien à cacher des étapes de sa construction, des baux à bâtir, des meules, des réparations, des entrepreneurs ainsi que des propriétaires successifs jusqu’au XVIIe siècle. Alors apparaissent les Verdiguier, les Lacroix, les Malaret, les Bernet, jusqu’aux propriétaires actuels qui transformeront une ruine en un bâtiment retrouvant une silhouette harmonieuse.
 En 1966, les Annales du Midi publient, sur plus de 30 pages, l’Économie d’un village du Lauragais. Il s’agit du consulat de Pugnères dont Gabriel Bernet avait dressé un tableau complet pour la période de 1593-1715, à partir du compoix de la fin du XVIe siècle, étayant par la suite son texte sur les inventaires des notaires de Pugnères et des villages voisins. Cela permis de suivre l’évolution des cultures, de l’élevage et de l’outillage tout au long du XVIIe siècle dans ce centre pastelier très actif.
 Ces mêmes Annales publiaient, en 1979, un article très documenté sur un marchand toulousain : Jean Giscard, marchand drapier sous Louis XIV. Nous allons suivre ce marchand tout au long de sa réussite depuis 1695 jusqu’à 1713. Dans cet article, Gabriel Bernet situe la clientèle de ce vendeur d’étoffes, de bonneterie, de couvertures et autres articles, clientèle couvrant, outre Toulouse, le Lauragais, la vallée de la Garonne et atteignant même le Vellay. De sa première boutique place de la Pierre jusqu’à son installation rue des Filatiers, les archives ont fait surgir des faits jusqu’alors ignorés.
 C’est aussi la rue des Filatiers, au numéro 50 plus précisément, qui retient l’attention de notre regretté confrère. Un soir de l’année 1762, sort rapidement de cet immeuble, puis y retourne quelques instants plus tard, un jeune gentilhomme. Le gentilhomme gris de l’affaire Calas, paru dans la Revue du Tarn en 1985, relate par le détail l’histoire de la famille Lavaysse tirée de lettres et documents conservés au château de Pujolet.
 L’histoire et les vicissitudes de la commune de Teulat seront présentées dans la Revue du Tarn, précisant comment ce village devint en 1803 une unité administrative du département du Tarn malgré les protestations de ses habitants.
 Bien d’autres sujets seront traités par Gabriel Bernet, une quarantaine, semble-t-il. Retenons L’assiette du diocèse civil de Toulouse ou encore Les Cézeron, musiciens et maîtres de danse, article qui fournit une explication de la faveur dont jouissent les maîtres de danse à Toulouse au XVIIIe siècle.Citons aussi Le legs pieux d’un riche marchand toulousain en 1605.
 Si Gabriel Bernet a privilégié l’histoire locale, il n’en a pas oublié pour autant celle des hommes. Ainsi en fut-il des articles sur Henri Lassalle poète toulousain, sur Anglade sculpteur toulousain, sur Le fils aîné de Pierre Assézat, fils dont l’existence avait été niée par Jules
Chalande et Alex Coutet.
 Dans cette série de travaux nous retiendrons surtout une suite d’études sur Riquet et sa famille. Elle commença par une communication faite aux membres de notre société en 1975 : le titre en fut Sur les pas de Riquet en pays toulousain. Le séjour de Riquet à Revel, la construction du château de Bonrepos, les maîtres d’œuvres, rien n’échappa à l’auteur qui effectua alors un dépouillement complet des archives, poursuivant Riquet de notaire en notaire de 1648 à 1668. La profusion des notes en renvoi dans le texte imprimé souligne la valeur de cette exploration. Puis ce fut Les Riquet de la mort du père (1680) à celle du fils aîné (1714), article conséquent avec, en additif, la description de médailles et monnaies frappées en l’honneur de Riquet. Les archives ont livré de multiples détails et des précisions sur la famille et les descendants, ce qui fera l’objet d’un nouveau titre Les mariages des trois filles de Riquet. Quant à Alexandre de Riquet, conseiller au parlement puis procureur général, d’abord attiré par les expériences de physique et de chimie, Gabriel Bernet nous le présentera comme astronome, curieux des phénomènes célestes au point d’aménager un observatoire dans son château de Bonrepos. Ce sera alors Le procureur général Riquet et l’astronomie
publié en 1983.
 Gabriel Bernet, patient, méthodique, appliqué, jamais rebuté par des textes anciens, produira un nombre important d’articles méritant le qualificatif de rigoureux, dans un domaine où peu de personnes s’aventurent. Mieux encore, il a évoqué l’histoire des villages et des familles non seulement avec une érudition méticuleuse, mais aussi en l’agrémentant d’une foule de détails pittoresques ou imprévus. Tout cela compose un témoignage très complet faisant surgir des faits jusqu’alors inconnus, sans négliger pour autant les motivations des événements relatés.
 Gabriel Bernet était un homme discret, nous l’avons déjà dit. Mais les meilleurs chercheurs ne sont-il pas ceux qui font le moins de bruit ?

 

André HERMET
décembre 1998

 


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