Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 17 janvier 2023

separateur

Deux communications courtes de Dominique Watin-Grandchamp
- Un Christ du XVIIe siècle intégré dans un groupe en terre cuite de Virebent à Saint-Nicolas
- Dans la hotte de Saint-Nicolas

- Un Christ du XVIIe siècle intégré dans un groupe en terre cuite de Virebent à Saint-Nicolas
Les élévations latérales de la chapelle sainte Croix de l’église toulousaine de Saint-Nicolas a été redécorée dans les dernières années du XIXe (après 1890) par des groupes de terre cuite de la manufacture Virebent. Ces modèles de la célèbre manufacture ne se retrouvent pas dans ses catalogues et sont, relativement, inédits. Une scène de Crucifixion réemploie un grand Christ en croix datable des premières années du XVIIe siècle (?). Aucun des documents d’archives consultés ne mentionne cet aménagement et ne renseigne sur l’origine du Christ. Seul l’inventaire de 1906 nous informe que le Christ qui faisait partie, primitivement, du groupe était en terre cuite. Il est actuellement conservé dans la sacristie. Le grand crucifix, actuellement en place, n’est pas documenté à part une mention marginale de Paul Mesplé dans un article de l’Auta, en 1963, qui est le premier à signaler sa présence. L’origine de cette œuvre de grande qualité est, actuellement, inconnue.


- Dans la hotte de saint Nicolas : un « modello » inédit du peintre toulousain Despax pour le tableau central du retable de chœur : « Mort et apothéose de saint Nicolas »
Les trois tableaux de chœur de l’église saint Nicolas sont réalisés par Jean-Baptiste Despax ( 1710-1773) pour orner un grand retable auquel collabore le sculpteur marbrier Etienne Rossat. La grande qualité des toiles peintes a justifié leur protection au titre des objets mobiliers le 11 septembre 1906. Les inventaires de mobilier, actuellement en cours, dans Toulouse, ont permis de découvrir un « modello » du tableau central. Il illustre la « Mort et apothéose de saint Nicolas ».
Oublié au fond d’un placard de sacristie, ce modèle n’était pas connu et n’a fait l’objet d’aucune étude. Il n’est ni signé, ni daté mais les restaurateurs consultés ne doutent pas de l’attribution à Despax. Le musée Paul Dupuy conserve un dessin d’exécution de l’ensemble du retable mais…sans illustration du panneau central. Ce dessin est contresigné de Despax et porte la date de 1768 alors que les toiles de chœur, signées, sont datées de 1759.


Présents : MM. Cabau, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mmes Napoléone, Secrétaire générale, Machabert, Secrétaire-adjointe, M. Péligry, Bibliothécaire-archiviste ; Mmes Cazes, Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. Cazes, Peyrusse, Pradalier, Scellès, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; M. Kerambloch, membre correspondant.
Excusés : Mmes Czerniak, Balty, Fournié, Rolland, MM. Balty, Garland, Garrigou Grandchamp, Séraphin, Sournia.

En l’absence de la Présidente, le Directeur ouvre la séance avec la présentation de deux ouvrages offerts à la bibliothèque par Maurice Scellès : Marcel Durliat, L’art dans le royaume de Majorque, Toulouse, Privat, 1962 ; Les grandes étapes de la sculpture romane toulousaine : des monuments aux collections, Toulouse, Musée des Augustins, 1971.
Puis Louis Peyrusse nous informe que l’Académie des Jeux Floraux, qui s’apprête à fêter son septième centenaire, appartient désormais au Patrimoine culturel immatériel de la France.

Le Directeur donne ensuite la parole à Dominique Watin-Grandchamp pour sa première communication courte : Un Christ du XVIIe siècle intégré dans un groupe en terre cuite de Virebent à Saint-Nicolas.
Remerciée pour sa présentation, Dominique Watin-Grandchamp rappelle que ce travail est en cours, aussi toutes les réflexions pouvant permettre de compléter les pistes avancées sont-elles bienvenues. L’inventaire qu’elle a engagé est indispensable et permet de révéler des éléments importants. Au-delà de ce cas, Dominique Watin-Grandchamp souhaiterait que les crucifix, souvent oubliés et méconnus, présents dans les églises de notre région, puissent lui être signalés. Quitterie Cazes signale qu’un de ses étudiants en Master de l’Université Toulouse Jean-Jaurès pourrait, dans le cadre d’un stage, travailler sur ce sujet. Louis Peyrusse revient sur l’explication de la présence de ce Christ du XVIIe siècle au centre du groupe du XIXe. Puisqu’il y avait un calvaire en terre cuite, un curé, au début du XXe siècle, a pu décider de placer au centre une œuvre jugée plus importante. Quant à la provenance du Christ, sans doute n’était-il pas présent dans l’église Saint-Nicolas au moment de la commande à Virebent. S’il y avait déjà un crucifix, la fabrique Virebent aurait pu n’offrir que la Vierge et saint Jean. Dominique Watin-Grandchamp confirme que l’inventaire de 1906 fait état d’un groupe composé de trois statues de terre cuite : la fabrique Virebent a donc bien livré un ensemble complet, dont un Christ. Néanmoins, Dominique Watin-Grandchamp a pu constater dans les pratiques toulousaines que, souvent, lors de remaniements dans les édifices, il n’y a pas de disparition complète des œuvres. Elle s’est donc intéressée aux artistes ayant produit des retables et du mobilier pour Saint-Nicolas, car il y a des rapports de dilection entre les commanditaires religieux et certains artistes. Ainsi, on retrouve quasiment le même milieu artistique travaillant pour les mêmes commanditaires. Cette recherche est à poursuivre. Daniel Cazes remarque les traits fins du visage et la forme très aigüe du nez. Dans un contexte castillan, ces éléments, ajoutés au traitement de la chevelure, renverraient notamment à Berruguete ou ses condisciples et à une production de l’extrême fin du XVIe siècle. Dominique Watin-Grandchamp avait aussi pensé à une datation de l’extrême fin du XVIe siècle, à la césure et, au vu de la forme de la couronne d’épines, du traitement de la chevelure et de la barbe très frisée, la référence outre-pyrénéenne est envisageable. Dans ce cas, qui dans le milieu toulousain véhicule cette influence ? s’interroge-t-elle. Louis Peyrusse renvoie à la statuaire de Rieux, alors visible. Maurice Scellès demande si un traitement aussi accusé de l’anatomie est fréquent à cette époque. Dominique Watin-Grandchamp répond qu’il y a alors une volonté de réalisme dans la représentation du corps. Maurice Scellès se demande s’il faut parler de réalisme devant un traitement anatomique aussi accentué. Dominique Watin-Grandchamp pense que le sculpteur a effectué des études anatomiques et a travaillé sur du vivant, pas uniquement sur des modèles. Maurice Scellès se dit surpris en particulier par le traitement des jambes, qui lui semble peu réaliste. Ce n’est pas exactement réaliste, ajoute Quitterie Cazes : la manière dont le mollet est souligné n’est pas anatomique, par contre elle traduit une volonté de détail pour montrer qu’il s’agit d’un vrai corps humain. Bruno Tollon complète : l’œuvre est réalisée pour être vue de loin. Selon Louis Peyrusse, le traitement n’est pas éloigné de celui observé pour le Christ en croix de Thibaud Maistrier à Saint-Exupère. Le périzonium est similaire et le type de représentation est semblable. Dominique Watin-Grandchamp note que la chevelure avec des boucles ondées le rapproche, pour ce qui est du visage, du Christ (non attribué) de Saint-Martin-du-Touch. Néanmoins la stature est différente, le corps plus râblé, et la qualité d’exécution n’est pas comparable. Maurice Scellès demande s’il y a eu une visite épiscopale avant la Révolution. Dominique Watin-Grandchamp n’a pas trouvé de description précise des éléments de décor et de mobilier. Les visites sont essentiellement faites pour vérifier que tout est en règle pour la desserte de l’édifice.

Dominique Watin-Grandchamp présente ensuite sa seconde communication courte intitulée : Dans la hotte de saint Nicolas.
Louis Peyrusse félicite notre consœur pour cette passionnante présentation de ce modello parfaitement daté. Le panneau se décompose en deux parties, une qui pourrait être qualifiée de « baroque », dans l’esprit du maître de la peinture religieuse de l’époque, Jean Restout ; tandis que la partie inférieure, figurant la mort de saint Nicolas, reprend le thème du lit de mort, thème absolu du néo-classicisme. En outre, son coloris gris-bleuté se rapproche de certaines œuvres de Jean-Baptiste Greuze. Le traitement est entre deux mondes de la peinture, confirme Dominique Watin-Grandchamp. Il est dans les conventions de l’époque, et même s’il ne s’agit pas d’une œuvre majeure, certains éléments singuliers peuvent apparaître comme précurseurs. En cela, ce modello est un jalon intéressant. Interrogée sur son devenir, Dominique Watin-Grandchamp souhaite sa mise en sécurité. Après un nettoyage, son accrochage dans la sacristie pourrait être envisagé. Étant une propriété de la Ville de Toulouse, peut-être sera-t-il décidé, à terme, de son dépôt au Musée des Augustins. Louis Peyrusse évoque la possibilité que le modèle soit resté dans l’atelier de Jean-Baptiste Despax et que, après sa mort, la famille en ait fait don à la paroisse. Dominique Watin-Grandchamp dit avoir trouvé des mentions fugaces de confréries très conservatrices à Saint-Nicolas : il devait y avoir des archives importantes, il est donc aussi possible que le panneau ait été conservé sur place. Despax a pu également en faire don lui-même, poursuit Louis Peyrusse. Maurice Scellès demande si les trois toiles du retable sont datées ? Bruno Tollon indique que, lors de son étude effectuée en 2012 et 2014, il avait constaté que seule la toile centrale était signée. Maurice Scellès fait remarquer que l’on aurait là une possible explication du décalage entre la date de 1759, figurant sur la toile centrale, et celle de 1768, apposée sur le dessin d’exécution de l’ensemble du retable conservé au Musée Paul-Dupuy. Louis Peyrusse approuve l’hypothèse avancée durant la présentation : la date de 1768 correspond à la fin du chantier. Dominique Watin-Grandchamp appuie : il était fréquent que les commandes soient suspendues ou en partie abandonnées et les chantiers s’étendaient ainsi parfois sur presque 10 ans. Ce délai n’est pas dû au rythme de travail des marbriers, sculpteurs ou peintres, c’est une question d’organisation du travail et de financement.

Au titre des questions diverses et faisant suite à la nouvelle communiquée par Daniel Cazes lors de la précédente séance (3 janvier 2023), le Directeur revient sur la mise en vente, annoncée dans la presse fin novembre 2022, du terrain vacant situé place Saint-Jacques, à l’extrémité des rues Sainte-Anne et Bida. C’est en 1970 que décision fut prise de détruire les immeubles qui s’élevaient sur cet emplacement. La démolition s’effectua au mois de septembre 1971 et, en dépit des préconisations qui recommandaient de s’arrêter à une certaine hauteur, les bâtiments de la zone furent arasés au niveau de la chaussée de la rue Bida. La Commission des Sites de la Haute-Garonne s’en émut le 4 novembre, ainsi que L’Auta en décembre (n° 386). À l’époque, le Rectorat voisin cherchait à agrandir ses locaux ; le Ministère de l’Éducation nationale décida d’acheter le terrain, qui devint ainsi propriété de l’État. En 1973, sous l’impulsion de Michel Labrousse, Directeur de la Circonscription archéologique, des sondages eurent lieu (mars), suivis d’une fouille menée par Michel Vidal assisté de Patrick Marchand (7-14 septembre). Les vestiges dégagés restèrent ensuite offerts à la vue du public. À partir des articles publiés en 1974 dans les revues Gallia (32, p. 470-471) et Pallas (21, p. 99-109), Patrice Cabau présente les principaux éléments qui avaient alors été mis au jour. Revenu sur les lieux en décembre 2022 pour un reportage photographique, le Directeur montre à l’assemblée l’état actuel des vestiges de la tour et de la courtine de l’enceinte gallo-romaine. Il met en évidence les éléments nouvellement découverts, dont de grosses masses de blocage qui paraissent avoir été éversées, basculées. Ces éléments ne sont pas mentionnés en 1974 puisque la zone la plus au Nord n’avait pas été fouillée. De nombreuses questions apparaissent maintenant. Un travail doit s’engager afin de comprendre comment s’est effectuée la démolition, manifestement à l’époque de la croisade contre les Albigeois – on ne conserve des destructions effectuées entre 1214 et 1229 que des mentions générales et au fond assez vagues – ; puis la reconstruction, à l’initiative des capitouls soutenus par le pouvoir royal, à partir de 1345. Les différentes étapes restent à éclaircir, le démantèlement de la muraille a dû se faire de manière à « édenter », sans tout raser, mais d’autres problèmes demeurent, posés par les découvertes récentes. Daniel Cazes signale la présence d’un panneau explicatif à destination du public, positionné contre la tour. Il nous donne des indications sur le devenir de la zone. Il nous apprend que l’ensemble du terrain vendu par l’État va faire l’objet d’une fouille au cours de l’année 2023. Cette fouille sera visitable. Ces vestiges devraient être protégés, mis en valeur et rendus accessibles au public. Daniel Cazes est cependant dubitatif, la zone concernée représentant le tiers du terrain, comment un promoteur pourra-t-il construire en conservant les vestiges et en les laissant accessibles au public ? Par ailleurs, Daniel Cazes a pris contact avec M. Jean-François Latger, membre du Conseil d’administration des Toulousains de Toulouse et architecte urbaniste de l’État. Il ressort que l’enceinte aurait fait l’objet d’une inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Dominique Watin-Grandchamp confirme que ce travail est réalisé par Marie-Emmanuelle Desmoulins, avec pour objectif de protéger la totalité de l’enceinte gallo-romaine. Elle poursuit : sur le chantier de la place Saint-Jacques, l’intérêt majeur est la découverte du mode de démolition de l’enceinte. L’autre point intéressant est celui de la réoccupation de ce secteur dans le cadre du quartier canonial de Saint-Étienne. L’occupation du XIXe siècle est paradoxalement moins bien renseignée. Dominique Watin-Grandchamp va effectuer un récolement iconographique, notamment à partir de nombreux clichés pris par Jean Dieuzaide lors de ses campagnes pour La Dépêche du Midi. D’autre part, un travail de couverture photographique peut être effectué sur la partie en direction de la cathédrale, où les remparts jusqu’aux courtines sont encore en place. Les plans de maisons construites au moment de la création de la rue Bida constituent également un matériel précieux à exploiter pour le rapport de fouille. Quitterie Cazes ajoute que des mâchicoulis sont aussi conservés dans quelques maisons. Les vestiges antiques sont conservés sur une importante hauteur à ce niveau puisque les ouvertures du chemin de ronde antique sont même visibles. Quitterie Cazes revient sur la démolition qui aurait été effectuée durant la croisade contre les Albigeois ; la zone se situe dans le quartier canonial, il lui semble donc impossible qu’une destruction ait été opérée sur une partie de l’enceinte qui protégeait la plus importante communauté ecclésiastique du diocèse. Daniel Cazes signale qu’une photographie de Jean Dieuzaide est reproduite sur le panneau explicatif. Prise depuis la place Saint-Jacques, elle montre comment, avant la démolition, la tour était intacte et dépassait du toit du bâtiment. Entre 1970 et 1973, la courtine et la tour ont donc été détruites sur la quasi-totalité de leur élévation. Daniel Cazes réaffirme son étonnement devant le fait qu’un monument public, en l’occurrence l’enceinte romaine de Toulouse, devenu propriété de l’État, soit ensuite revendu par celui-ci à un promoteur privé. Lorsqu’il compare à ce qui se passe à Milan, à Barcelone, à Saragosse, il observe des opérations inverses, c’est-à-dire que la Commune rachète au secteur privé des vestiges pour les sauver et les mettre en valeur… Quitterie Cazes remarque que, toutefois, une fouille préalable à la reconnaissance des vestiges a été effectuée, ce qui va dans le bon sens. Les résultats de l’étude d’archéologie du bâti réalisée pour la partie du rempart visible sont particulièrement attendus par les membres de la Société.

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