Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 21 novembre 2023

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Communication courte de Patrice Cabau, À propos de deux manuscrits des Œuvres de Sidoine Apollinaire.

Les fragments d’une épitaphe retrouvée à Clermont-Ferrand vers 1960 et considérée jusqu’à 2017 comme étant celle de Sidoine Apollinaire († vers 486) sont à l’origine d’une enquête conduite avec Jean-Luc Boudartchouk. Celle-ci a porté sur deux manuscrits médiévaux par lesquels on connaissait le texte complet de cette inscription, lequel fut imprimé à la fin du seizième siècle et a été depuis maintes fois reproduit (il ne sera pas ici question d’un autre manuscrit, réapparu depuis 2008, qui donne de l’épitaphe une version alternative). L’investigation mènera de Cluny à Madrid, en passant par Toulouse et Avignon.

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Communication courte de Dominique Watin-Grandchamp, Douce et Navarre inhumées au grand prieuré des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem de Toulouse.

Les pierres tombales de ces deux dames, membres de la bourgeoisie toulousaine de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle, ont été trouvées lors de la fouille du vaste cimetière qui occupait l’angle sud-est du moulon de Saint-Jean (plus de 1800 sépultures fouillées par l’INRAP en 2003). Ces deux dalles n’étaient pas en place et elles sont incomplètes mais elles attestent la qualité d’une partie de la population inhumée au sein du grand prieuré de Toulouse. Elles sont toutes deux épigraphiées et la pierre de Navarre porte des armes parlantes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Présents : Mme Czerniak, Présidente, MM. Cabau, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry, Bibliothécaire-Archiviste, Mmes Napoléone, Secrétaire générale, Machabert, Secrétaire adjointe ; Mmes Fournié, Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. Cazes, Garrigou Grandchamp, Macé, Peyrusse, Pradalier, Scellès, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Hénocq, Ledru, Rolland Fabre, MM. Kérambloch, Mange, membres correspondants.
Excusés : Mmes Balty, Cazes ; MM. Balty, Garland.

La Présidente ouvre la séance et annonce faire don à la Société d’un ouvrage : Isabelle Bardies-Fronty (dir.), Trésors du royaume de Lotharingie : l’héritage de Charlemagne, Paris, In Fine, 2023.

Pour débuter, la parole est donnée à Patrice Cabau pour une communication courte : À propos de deux manuscrits des œuvres de Sidoine Apollinaire.
Notre Directeur profite de cette communication pour rendre hommage à Jean-Luc Boudartchouk qui l’avait lancé sur cette piste. Virginie Czerniak remercie Patrice Cabau pour l’évocation des tribulations de ces manuscrits. Patrice Cabau explique qu’on n’a jusqu’ici pas bien compris la séquence chronologique des éditions imprimées (Scaliger, Savaron et von Wowern), faute d’avoir connu tous les tirages. Intriguée, la Présidente demande le contenu du texte de l’épitaphe en question. Patrice Cabau indique qu’il l’avait présentée avec Jean-Luc Boudartchouk en 2016 et qu’elle a été étudiée par Patrice Montzamir ; ce qu’il reste de la pierre corrobore le manuscrit. L’épitaphe est laudative et peu précise de sorte qu’elle peut être attribuée soit au père soit au fils ; seule l’invocation finale à Sidoine peut donner un indice. Pierre Garrigou Grandchamp rappelle que l’abbaye de Cluny eut à subir les pillages des protestants en 1570, qui provoquèrent des pertes irréparables à ses livres, suscitant l’indignation de Théodore de Bèze. Il conseille à notre confrère de consulter les volumes publiés sur « Cluny après Cluny » qui abordent cette période plus méconnue.

La Présidente invite ensuite Dominique Watin-Grandchamp à prendre la parole pour sa communication courte : Douce et Navarre inhumées au Grand-Prieuré des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem de Toulouse.
Laurent Macé demande si les deux pierres tombales sont actuellement conservées en un même endroit. Ce n’est pas encore le cas, répond Dominique Watin-Grandchamp. L’une est à la D.R.A.C. et doit faire l’objet d’un nettoyage, l’autre est dans les réserves de l’atelier de restauration de la Ville de Toulouse. Sont-elles désormais protégées ? demande Louis Peyrusse. Notre consœur nous informe que le dossier est en cours. Daniel Cazes rappelle que la collection d’inscriptions médiévales du Musée des Augustins est la plus importante de France, les deux dalles funéraires évoquées lors de la communication y auraient leur place et enrichiraient cet ensemble. Il regrette l’errance de certains objets et s’interroge sur la pertinence d’un classement Monuments Historiques, qui selon lui, n’assure pas la conservation. Maurice Scellès poursuit en ce sens, il ne comprend pas la nécessité de classer des objets qui appartiennent à l’État, trouvés dans des conditions archéologiques et documentés. Il demande : qu’en est-il pour les objets trouvés pendant la fouille du prieuré, quel est leur statut ? Dominique Watin-Grandchamp indique que le lapidaire trouvé sur le site de Saint-Jean de Jérusalem et qui n’a pas été transféré dans des musées a été protégé. Maurice Scellès insiste : y-a-t-il besoin, pour garantir la protection d’un objet trouvé dans le cadre d’une fouille et entreposé dans un dépôt de fouille, qu’il soit protégé au titre des Monuments Historiques ? Dominique Watin-Grandchamp explique que l’enjeu est de protéger des objets porteurs d’histoire, déjà exposés, pour certains, au sein de la DRAC. Ces objets resteraient attachés à l’édifice car ils n’ont de sens que s’ils sont sur le site des Hospitaliers de Saint-Jean. Ils donnent à voir des jalons de l’histoire de l’édifice. Or, si la D.R.A.C. est pour le moment installée en ces murs, rue de la Dalbade, la situation peut évoluer. Aussi, en étant protégés au titre des Monuments Historiques ces objets seront attachés à l’édifice. Maurice Scellès revient sur le statut juridique de ces objets mobiliers découverts sur le site du Grand-Prieuré. Il rappelle que, d’après la loi, les objets archéologiques trouvés en fouille sont propriété de l’État. Malheureusement, plusieurs membres connaissent des exemples d’objets disparus - volés ou détruits - après des campagnes de fouilles, encore récemment. Maurice Scellès trouve donc logique que ce type de pièces soit transféré automatiquement dans un musée, qui assure le suivi de ces dépôts. Pour Dominique Watin-Grandchamp, la protection de ces objets permet de s’assurer que ces pièces pourront être connues, étudiées et surtout conservées et pérennisées.
Patrice Cabau félicite Dominique Watin-Grandchamp pour son travail et son engagement à faire connaître ces pierres tombales. Notre consœur précise que ces pièces sont particulièrement intéressantes pour l’étude du milieu toulousain à cette époque et l’évolution de la population du quartier. Pour ces deux femmes, des éléments biographiques sont à relever : l’une était probablement hospitalière et l’autre veuve. Laurent Macé s’intéresse ensuite à la trace de plomb repérée lors de la fouille dans la gravure de l’une des inscriptions ; il rappelle que l’emploi de ce métal pour remplir les lettres est un usage connu pour l’époque carolingienne. Si l’hypothèse de ces traces se confirme pour le XIIIe siècle, la découverte est exceptionnelle, au-delà de l’histoire locale. Le dossier doit être repris et de nouvelles analyses menées. Dominique Watin-Grandchamp poursuit sur le contexte social et l’intérêt de la localisation des dalles, probablement dans la « galerie funéraire » reliant le cimetière et le cloître. Sans avoir le prestige des enfeus, cet emplacement apparaît privilégié. Laurent Macé confirme qu’une ouverture sociale est observée dans l’épigraphie, notamment à travers le passage du latin à l’occitan, mais dans le cas des deux pierres montrées aujourd’hui le latin est toujours utilisé. Il s’agit donc de familles d’un certain niveau.
Daniel Cazes revient sur la question de la conservation de ces objets ; il appelle à ce que notre Société puisse un jour prendre position sur ces questions. Selon notre confrère, le dépôt dans les musées s’impose comme la solution la plus appropriée. Les méthodes ont évolué depuis la fin du XIXe siècle et la loi de 2002 oblige les musées à tenir des inventaires et à effectuer des récolements décennaux qui garantissent une certaine sécurité. Par ailleurs, il mentionne l’existence d’un grand dépôt archéologique commun aux musées de Toulouse placé sous la responsabilité du conservateur du Musée Saint-Raymond. Daniel Cazes souhaite apporter une précision au sujet de la dénomination « cloître funéraire » qui lui semble inexacte : il s’agit d’un cimetière, ce qui est appelé le Campo Santo en Italie. Ces cimetières ont, pour la plupart, disparu mais ils étaient très communs dans le Midi de la France, celui de Perpignan est encore en place. Il en existait partout à Toulouse, tout autour du chevet de Saint-Sernin un mur était entièrement percé d’enfeus. Ces modèles sont visibles également en Italie (Santa Maria Novella à Florence) et en Espagne ajoute-t-il. Dominique Watin-Grandchamp fait remarquer que, jusqu’aux travaux sur Saint-Jean-de-Jérusalem menés avec Nelly Pousthomis-Dalle, aucun chercheur n’avait mis ce type d’exemples en évidence pour les cimetières toulousains. L’organisation en déambulation ainsi que la présence de murs-banquettes en briques l’ont conduite à employer le vocable de « cloître-funéraire ». Daniel Cazes souhaite également rappeler que la dalle funéraire de Pierre de Saint-Martial exposée au Musée des Augustins - montrée durant la présentation pour illustrer l’état de conservation de la majorité de ces dalles - est une fabrication d’Alexandre Du Mège. Notre confrère renvoie à un article de nos Mémoires qu’il avait consacré à ce sujet (Tome XLIV, 1981-1982, p. 61-85).
Dominique Watin-Grandchamp signale encore la présence d’une statue qui semble assez exceptionnelle parmi les autres pièces retrouvées sur le site de la D.R.A.C et qui restent à étudier. Elle provient vraisemblablement de la chapelle Saint-Léonard qui s’ouvrait sur le cloître du XIVe siècle, fondée par le grand-prieur de Lescure. L’autorisation de chapelle est donnée à Malte en 1390 et l’acte de nomination d’un chapelain en 1400 a pu être retrouvé dans les archives. En 1620 et 1680, deux inventaires indiquent que la chapelle est désacralisée, qu’elle a été pillée et que ne restent que l’autel et deux très vieilles statues. Or, dans la cour Saint-Jean, non loin de l’emplacement de la chapelle Saint-Léonard, ont été retrouvées deux statues, qui pourraient être celles mentionnées dans les inventaires. L’organisation d’une visite des membres in situ est envisagée, si toutefois les conditions de sécurité le permettent.

Enfin, Guy Ahlsell de Toulza intervient au titre des questions diverses. Il nous informe que la Fondation Bemberg rouvrira ses portes le 2 février 2024. Il fait aussi état de problèmes intervenus durant le week-end quant à la gestion de la fermeture du portail de l’Hôtel d’Assézat. Le sujet a été discuté avec la Directrice de la Fondation, Mme Debenedetti. Pour des raisons personnelles, les représentants des Académies au sein de la commission paritaire sont assez peu présents actuellement ; aussi, afin d’assurer la continuité du dialogue, les membres du Bureau de la S.A.M.F. s’accordent pour être présents lors de la prochaine assemblée générale de l’Union des Académies et Sociétés savantes de l’Hôtel. Les questions de sécurité et d’ouverture des locaux pourront notamment être évoquées.

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