Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 5 décembre 2023

separateur

Communication longue de Virginie Czerniak, Le panneau de la Crucifixion de la cathédrale de Pampelune

Récemment exposé au Musée de Cluny – Musée national du Moyen Âge, dans le cadre de l’exposition Toulouse 1300 – 1400. L’éclat d’un gothique méridional, ce panneau de retable de 120 sur 80 cm est assurément l’une des pièces les plus précieuses du Musée diocésain de Pampelune. Son origine toulousaine supposée peut être confirmée par une lecture approfondie, tant de son contenu iconographique que de ses caractéristiques stylistiques. C’est ce à quoi nous allons nous employer à la faveur de cette présentation.

Présents : Mme Czerniak, Présidente, MM. Ahlsell de Toulza, Trésorier, Péligry, Bibliothécaire-Archiviste, Mmes Napoléone, Secrétaire générale, Machabert, Secrétaire adjointe ; Mmes Jaoul, Watin-Grandchamp, MM. Balty, Catalo, Cazes, Garland, Garrigou Grandchamp, Peyrusse, Sournia, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Balty, Hénocq, Rolland Fabre, MM. Kérambloch, Mange, membres correspondants.
Excusés : Mmes Merlet-Bagnéris, Fournié, Ledru ; MM. Cabau, Stouffs.
Invitée : Mme Marie Bonnabel, conservatrice du Couvent des Jacobins.

La Présidente ouvre la séance en accueillant l’invitée du jour, Mme Marie Bonnabel, puis fait un point sur l’avancement du projet de création d’une chaîne Youtube. Les étudiantes du Master arts et communication ont réalisé le générique et un premier enregistrement a été effectué, la vidéo est actuellement en cours de montage. Pour cette première expérience, Virginie Czerniak a présenté les peintures de Saint-Sernin. Elle précise que le tournage est rapide (moins d’une heure). Les intervenants sont invités à fournir aux étudiantes, en amont, des photographies libres de droit avec les légendes. Afin de servir de cadre à la préparation des enregistrements, la Présidente transmettra par mail une fiche d’informations détaillée (nombre de signes du texte, illustrations…). Elle lance un appel à tous les membres : ceux qui souhaiteraient participer peuvent la contacter dès à présent. Dans un premier temps, les présentations porteront prioritairement sur des sujets toulousains. Il est possible de prévoir deux épisodes pour des sujets plus longs à aborder. Par ailleurs, la Présidente indique, qu’afin d’assurer la pérennité de la chaîne, le projet tutoré pourrait être poursuivi l’année prochaine, avec d’autres étudiants. Elle nous informe que l’ouverture de la chaîne va être relayée sur le site internet de la S.A.M.F. et les réseaux sociaux, la Société dispose déjà d’un compte Facebook et un compte Instagram va être créé.

Virginie Czerniak présente ensuite sa communication longue du jour sur : Le panneau de la Crucifixion de la cathédrale de Pampelune.
À l’issue de sa présentation, l’oratrice ajoute ne pas connaître d’autre exemple de représentation de saint Jean tonsuré, qui semble, sur le panneau étudié ce jour, être habillé en moine franciscain. Emmanuel Garland signale que cet habit n’est pas celui des Franciscains de cette époque. Si la tenue peut ressembler à une bure, Virginie Czerniak concède que les éléments caractéristiques ne sont pas distincts. Guy Ahlsell de Toulza demande si le saint est vraiment tonsuré, ne pourrait-il pas avoir une couronne de cheveux bouclés autour de la tête ? Virginie Czerniak, qui a eu l’opportunité d’observer l’œuvre de près, confirme qu’il s’agit bien d’une tonsure. Dominique Watin-Grandchamp revient sur la scène contemporaine située au registre inférieur : quel élément permet d’affirmer que les douze personnages figurés de part et d’autre sont des chanoines ? Virginie Czerniak précise qu’ils portent tous des vêtements différents, peut-être arrivent-ils donc d’horizons variés ? Notre consœur suppose qu’ils sont accueillis pour assister à la scène centrale entérinant le règlement de la querelle par l’évêque. Dominique Watin-Grandchamp suggère qu’il puisse s’agir d’une cohorte consulaire réunie pour la concorde. Si ce sont les douze chanoines, pourquoi n’y a-t-il que trois donateurs peints à droite de la composition, demande Louis Peyrusse ? Virginie Czerniak émet l’hypothèse que ces trois donateurs appartiennent à l’ancien chapitre ; reconnaissants que la querelle soit terminée, ces chanoines auraient fait réaliser ce panneau et l’auraient offert à la cathédrale de Pampelune pour marquer le retour de la concorde canoniale. Pour Dominique Watin-Grandchamp, nonobstant certains éléments iconographiques à éclaircir, l’idée que la scène illustrée corresponde à cet épisode de l’histoire de l’évêché de Pampelune est convaincante. Virginie Czerniak souligne l’intérêt de ce panneau : rare exemple d’un épisode contemporain associé à une représentation christique.
Dominique Watin-Grandchamp revient ensuite sur le personnage assis sur les marches, coiffé d’un bonnet, tenant un gant et un bâton. Selon Virginie Czerniak il pourrait s’agir du gouverneur. Toutefois Dominique Watin-Grandchamp remarque qu’il ne porte pas une coiffure d’adulte ; aussi ce jeune homme peut-il avoir le rôle de témoin qui assiste à la concorde. Louis Peyrusse observe qu’il occupe une position subalterne, sur les marches aux pieds de l’évêque, surprenante pour un gouverneur. Guy Ahlsell de Toulza pense lui à un notaire, sinon un envoyé ou un chancelier, représentant une autorité. Notre Trésorier s’interroge sur la diversité et les couleurs des tenues des personnages alignés sur les côtés ? Ils peuvent aussi représenter la société laïque, les édiles locaux, suggère Dominique Watin-Grandchamp.
Pierre Garrigou Grandchamp demande : cette dynastie, originaire de Champagne et qui vit en grande partie à la Cour de France, ne se nourrit-elle, dans le domaine pictural, que d’artistes venant du milieu toulousain ? des liens avec la production parisienne ne sont-ils pas détectés ? Notre confrère cite notamment Jean Pucelle. Virginie Czerniak confirme cette influence parisienne, mais ces réminiscences ont été assimilées par le milieu toulousain, explique-t-elle.
Guy Ahlsell de Toulza fait un rapprochement avec le diptyque dit de Rabastens (vers 1286, 24 x 59 cm, Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord, inv. B1721) dont la peinture des parchemins collés sur panneaux est d’une qualité comparable à celle du panneau de Pampelune. La référence aux miniaturistes est évidente. Virginie Czerniak rappelle qu’au Moyen Âge, les artistes peignent indifféremment sur tous les supports (murs, panneaux de bois, parchemins…). Or, il n’existe qu’un seul panneau de bois de cette qualité répertorié, souligne-t-elle. La fragilité de ces supports explique sans doute leur disparition. L’œuvre de Pampelune apparaît ainsi comme un jalon extraordinaire de la production picturale issue du milieu toulousain. En effet, d’un point de vue iconographique, cette œuvre est caractéristique de ce qui nous est parvenu de la peinture toulousaine du XIVe siècle. Pierre Garrigou Grandchamp mentionne alors les peintures de la tour eucharistique de l’abbatiale de Saint-Savin-en-Lavedan, Virginie Czerniak estime que c’est un exemple plus parisien.
Daniel Cazes s’interroge sur la position originelle du panneau de Pampelune ; en effet, compte-tenu de ses dimensions, il ne semble pas s’agir d’un retable. Virginie Czerniak confirme que le panneau n’est pas très large (H 120 cm x L 98 cm) ; elle pense qu’il pouvait peut-être être associé à un autel secondaire ; il est trop grand pour être un objet de dévotion personnelle, mais trop petit pour être le retable d’un autel principal. Considérant la relation avec l’évêque figuré dans le registre inférieur, Daniel Cazes, émet l’hypothèse d’une commande pour le palais épiscopal plutôt que pour une chapelle. Guy Ahlsell de Toulza poursuit la comparaison avec le diptyque de Rabastens. Il commence par rappeler que la pièce conservée à Périgueux n’est que la partie supérieure d’un ensemble sur deux grands panneaux en réemploi, au verso desquels se trouvent les armes de Toulouse et les armes de France. Les deux textes présents au bas des parchemins correspondent au début d’un texte transcrit en totalité dans le livre de la confrérie de l’Assomption de la Vierge créé en 1286. C’est peu après cette date, vers 1293, que le diptyque fut réalisé. La liste des confrères se trouvait à la suite, mais la majeure partie du texte a été sciée lorsque le collectionneur du XIXe siècle a acquis l’objet. Ce panneau est ainsi à l’origine un panneau commémoratif, destiné à être accroché à un des murs de l’église, celui d’une sacristie par exemple, indique notre Trésorier. Il complète : le panneau de Pampelune pouvait avoir le même usage commémoratif, avec, au bas, l’évocation d’un évènement historique mémorable. Il ajoute que la scène du bas ne concorde pas avec la fonction d’un retable. Au sujet du traitement des phylactères, Guy Ahlsell de Toulza renvoie à l’Arbre de vie peint pour la chapelle Saint-Martin de Rabastens à la même époque. Toutes les branches de cet arbre sont de grands phylactères et portent de gros fruits en forme de cœur chargés de vertus. Observant à nouveau le diptyque de Rabastens, Virginie Czerniak remarque l’ordre inversé des scènes sur le panneau de droite. Cette erreur ne peut pas avoir été faite lors du collage car le volet n’est constitué que d’un seul parchemin, répond Guy Ahlsell de Toulza.
Enfin, Dominique Watin-Grandchamp s’intéresse aux écus signalés sur le cadre. Virginie Czerniak explique que cette information provient de la description de Bertaux en 1910, qui affirme qu’il y avait une succession d’écus de France et de Navarre. Elle signale qu’aujourd’hui ces peintures sur le bord du cadre sont impossibles à distinguer. Daniel Cazes demande une précision à notre consœur à propos du terme « table » : a-t-il été trouvé en traduction française ? Virginie Czerniak confirme qu’il s’agit d’une mauvaise traduction dans la version française du catalogue du musée, le sens réel est « panneau ».

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