Société Archéologique  du Midi de la France
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Séance du 27 février 2024

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Communication longue de Pierre Garrigou Grandchamp, Diane Joy et Anne-Laure Napoléone, L’architecture civile du bourg de Le Minier dans l’Aveyron.

Le Minier est une petite agglomération située dans le sud Aveyron, au pied des contreforts du plateau de Lévézou. L’habitat médiéval de ce bourg est un exemple rare de maisons de type urbain en milieu rural, témoignant d’une activité minière florissante entre le XIIe et le XIVe siècle. Cet habitat s’est fossilisé une fois l’activité minière abandonnée.

Présents : Czerniak, Présidente, MM. Cabau, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Mmes Napoléone, Secrétaire générale, Machabert, Secrétaire adjointe, ; Mmes Haruna-Czaplicki, Jaoul, Pradalier-Schlumberger, Watin-Grandchamp, MM. Balty, Cazes, Garland, GarrigouGrandchamp, Geneviève, Péligry, Peyrusse, Pradalier, Scellès, Surmonne, Testard, Tollon, membres titulaires ; Mmes Balty, Caucanas, Henocq, Rolland Fabre, MM. Mange, Rigault, membres correspondants.

Excusés : Mmes Bessis, Cazes, MM. Macé, Séraphin, Sournia

Invités : Mme Andrea Tarnowsky, professeure au Dartmouth College en littérature médiévale, et M. François Baratte, professeur émérite de Paris IV Sorbonne en archéologie et histoire de l’art romain et paléochrétien.

La Présidente ouvre la séance en nous annonçant que la Société a reçu 13 travaux pour le concours.

Puis elle donne directement la parole aux orateurs de ce jour, Pierre Garrigou Grandchamp, Diane Joy et Anne-Laure Napoléone, pour une communication longue intitulée : Les maisons médiévales du Minier (commune du Viala-du-Tarn en Aveyron).
Virginie Czerniak remercie nos confrères et demande si le modèle de demeure à pignon sur rue qui a été montré n’est pas plus caractéristique des contrées septentrionales. Pierre Garrigou Grandchamp répond que c’est en effet l’image que l’on peut avoir en général car il y a dans le nord de la France beaucoup plus d’exemples de demeures médiévales de ce type que dans le Midi, parmi les vestiges conservés. Mais il y a de nombreuses exceptions des deux côtés : les maisons romanes de Cluny sont à gouttereau sur rue et dans le Midi on peut voir des maisons à pignon sur la voie publique à Caylus, Villefranche-de-Rouergue… Cette disposition fonctionne avec le système de rejet des eaux choisi. Un mur à pignon sur rue impose que l’on prévoie de part et d’autre de l’édifice un espace pour le rejet des eaux (entremis). Notre Présidente est par ailleurs très intéressée par le système de maisons doubles qui a été également présenté car il évoque les maisons « en bandes » qui ont été découvertes en fouille à la station du Museum à Toulouse (XIVe siècle). Ne serait-ce pas une façon plus économique de construire ? À Lauzerte, répond Pierre Garrigou Granchamp, un texte de la fin du XIIe siècle mentionne la présence d’une centaine de parcelles à construire. Dans cette ville, on peut voir en effet une série de demeures modulaires élevées les unes à côté des autres le long de l’axe principal (XIIIe siècle). Au Minier, au contraire, il s’agit d’un programme. Maurice Scellès ajoute qu’il s’agit-là d’un seul commanditaire pour les deux parties, la destination restant inconnue. Pierre Garrigou Grandchamp propose d’y voir le projet d’une frérèche ou d’une famille à l’origine de la construction. Diane Joy rappelle qu’il existe aussi des exemples où une construction individuelle prévoit au moment de son édification, notamment par des dispositifs au niveau des chaînes d’angles, de recevoir la maison voisine. Il y aurait donc une concertation qui dépasse le projet individuel ; cela peut être source d’économie au moment de la construction de la maison voisine, mais cela ne relève pas d’un programme unitaire comme nous l’avons vu au Minier. Qu’en est-il de l’idée des rez-de-chaussée communiquant demande Virginie Czerniak ? Diane Joy répond que cette proposition avait été faite lors de l’observation des demeures de Saint-Affrique car la présence d’ouvertures sur les refends et les pignons semblait permettre une forme de perméabilité prévue d’emblée à ce niveau au moment de la construction, avec un dispositif traversant qui pouvait être laissé ouvert ou fermé. Pierre Garrigou Grandchamp ajoute que c’est une façon de construire qui est presque systématique en Languedoc. Certains îlots de Béziers (îlots des arènes) comportent des arcs sur tous les murs de refends, rendus aveugles par des petits budgets – c’est-à-dire des plaques montées de chant –, que l’on peut ouvrir ou refermer à volonté. On prévoit donc d’emblée de créer des espaces plus vastes ou de les réduire. Cela laisse supposer, ajoute Maurice Scellès, que l’on fait varier les utilisations des rez-de-chaussée et donc les activités. L’exemple de la maison consulaire de Saint-Antonin-Noble-Val est très éclairant puisqu’il y a trois arcades, et les textes disent bien qu’il y a trois boutiques.
Daniel Cazes voudrait revenir sur la forme des fenêtres de la maison n° 6-7, qu’il trouve très hautes et les colonnettes centrales très fines, ce qu’il faut sans doute imputer à une fabrication en série qui a été évoquée par Diane Joy pour les chapiteaux qui sont extrêmement typés. On est dans un autre monde que celui de la région toulousaine (colonnettes de marbre d’un diamètre plus fort avec des chapiteaux plus ramassés et des fenêtres plus équilibrées). Y aurait-il des comparaisons possibles avec le monde catalano-aragonais, qui semble peut-être plus proche, la partie basse des chapiteaux pouvant être rapprochée des productions en série que l’on trouve à Gérone ? On est en effet au XIIIe siècle dans le sud de l’Aveyron (l’Aragon, Jacques Ier, Marie de Montpellier), le contexte historique a t-il pu avoir une incidence ? C’est en effet une piste à creuser pour les chapiteaux répond Pierre Garrigou Grandchamp, bien que l’art catalan lui paraisse plus gracile.
Qu’en est-il de la cheminée correspondant à la superbe souche de la maison n° 1 ? demande Louis Peyrusse. La Secrétaire générale répond que la cheminée a été détruite ; on ne voit à l’intérieur qu’un léger renflement, seul vestige de la hotte.
Maurice Scellès voudrait revenir sur la maison n° 4 : il demande si la maçonnerie de l’étage ne porte que sur la poutre formant linteau de la grande ouverture du rez-de-chaussée. Il semble bien, répond la Secrétaire générale. Il s’agirait donc d’une paroi mince, reprend Maurice Scellès. La question s’est en effet posée, répond Anne-Laure Napoléone, mais l’observation de la fenêtre indique que ce n’est pas le cas. On peut penser à plusieurs poutres juxtaposées derrière le linteau. Cependant, cette demeure n’a pas pu être visitée entièrement, l’enquête doit donc se poursuivre, notamment pour répondre à cette question. Pierre Garrigou Grandchamp fait également l’hypothèse d’un trumeau maçonné au centre de cette grande ouverture sous linteau de bois, aujourd’hui comblée.
Sylvie Caucanas demande ce qu’il en est des sources écrites, n’y a t-il pas de notaires, de compoix, de terriers même plus tardifs ? Pierre Garrigou Grandchamp répond que les sources portent à peu près uniquement sur les mines, les actes notariés n’ont pas encore été trouvés pour l’instant par le PCR qui travaille sur le sujet ; Françoise Galès, qui devait être avec nous aujourd’hui, aurait sans doute pu donner des éléments de réponse à ce sujet. Ce type de documents est par ailleurs assez rare pour les autres sites. En prenant pour exemple son travail sur Cahors, Maurice Scellès confirme qu’avant le XVe siècle, il n’y a pas beaucoup de textes utilisables pour la connaissance de l’habitat. Concernant les cadastres et les compoix, les seules indications sont les noms des propriétaires du moment et les descriptions et confronts ne permettent que rarement d’être sûr qu’il s’agit de l’édifice étudié. Sylvie Caucanas répond que dans le cas de la maison n° 1, pour laquelle on suppose une fonction d’office, une vérification dans les textes pourrait sans doute apporter au moins une réponse sinon une vue d’ensemble sur l’agglomération. Pierre Garrigou Grandchamp reconnaît que notre consoeur a raison, cependant le fait de travailler sur des centaines ou des milliers de maisons laisse les chercheurs particulièrement frustrés. Certains ont les sources mais pas les maisons, tandis que les autres ont les maisons mais pas de sources : il reste rarissime d’avoir les deux. Il reconnaît l’importance d’avoir une vue d’ensemble et évoque le travail d’Arlette Higounet-Nadal pour Périgueux qui a permis d’avoir des informations sur les manières de vivre dans les maisons, sans pouvoir cependant associer un texte à un édifice. Maurice Scellès rappelle que notre approche privilégie l’identification des archives matérielles particulièrement fragiles que sont les bâtiments et les vestiges conservés. L’enquête a pris 20 ans dans le Lot pour les églises, les châteaux et les maisons du Moyen Âge. Il est vrai que dans ce cadre, les chercheurs négligent un peu la recherche en archives, sachant qu’il est particulièrement chronophage. On regrette qu’il n’y ait pas de travail d’équipe où chaque membre aurait une compétence différente.
M. Balty voudrait revenir sur un détail décoratif présent sur la première maison : le cordon régnant qui court sur la façade principale et le long de la façade secondaire en suivant le tracé de l’extrados de l’arc de la porte. Il évoque un cas similaire sur des maisons de Syrie du Nord datant de la fin du IVe, du Ve et du VIe siècles ; un tel système décoratif se retrouve également sur les façades des églises de cette région. Une telle similitude avec un décalage de huit siècles est surprenante, est-il possible de reculer dans le temps avec un tel motif ? Pierre Garrigou Grandchamp répond que le plus surprenant est de trouver un cordon régnant sur une porte de rez-de-chaussée alors que l’on a coutume de le voir souligner les fenêtres des étages accompagné d’un cordon d’imposte qui peut se poursuivre sur les archivoltes des baies. Un tel dispositif se retrouve dès l’époque romane ; il est d’ailleurs visible sur les vestiges de la façade sud de la maison n° 1 du Minier. Bruno Tollon évoque l’exemple du Petit Palais à Avignon, dont les fenêtres sont reliées de la même façon par des cordons à la fin du XVe siècle, et il en est de même à l’hôtel d’Ulmo à Toulouse (XVIe siècle).
Michelle Pradalier confirme la datation tardive des chapiteaux, comme le montrent les astragales biseautés qui indiquent plus vraisemblablement la seconde moitié du XIIIe siècle. Elle se dit par ailleurs très étonnée par les sculptures des chapiteaux de la maison n° 6, les chapiteaux à têtes, qui sont les seuls à être historiés.

La Présidente remercie les conférenciers et donne la parole à notre Trésorier pour une question d’actualité portant sur deux acquisitions récentes :
-  Un petit projet de Bénézet pour l’église de Buzet-sur-Tarn.

Christian Mange nous présente ce dessin, réalisé en 1895 alors que les peintures ont été exécutées dans l’église l’année suivante. Il meurt en 1897, il s’agit donc d’un des derniers dessins de Bernard Bénézet qui, rappelle notre confrère, a été membre de la Société Archéologique. Nous rendons donc ainsi hommage à un de nos anciens membres. Notre Trésorier précise qu’il a été acquis pour notre Société, moyennant la modique somme de 200 euros. La Présidente le remercie pour cet achat.
-  La seconde acquisition a été faite pour l’Union. Il s’agit du portrait du Président Duranti qui s’est vendu à 4 000 euros à Albi, et qui provient d’un château de la région. Le tableau est assez grand puisqu’il fait 72 x 56 cm. Il porte une inscription : « MES. IEAN.ESTIENE.DVRANT/PREMA.PRESt.DE.THOLOSE ».

Ce magistrat, Premier président du Parlement de Toulouse, fut une victime des guerres de religion : le 11 février 1589, il fut abattu d’un coup d’arquebuse devant une porte du réfectoire des Jacobins. Le portrait est accompagné de ses armoiries. Le tableau a été réentoilé, mais la toile est visiblement ancienne et entière. Cette représentation est intéressante car c’est la seule qui soit contemporaine du personnage ; on peut en effet la dater des années 1580-1600. On ne peut pas exclure que ce portrait soit rétrospectif mais il est sur sa toile d’origine et il est de meilleure qualité que ceux qui existent par ailleurs (cf. dessins dans l’ouvrage sur la mort de Duranti au Musée du Vieux Toulouse). Les deux copies conservées par le Musée du Vieux Toulouse datent de la fin du XIXe-début du XXe siècle. Ce tableau, qui figure un personnage important, prendra place dans la salle Clémence-Isaure. Il faut noter qu’il y a assez peu d’œuvres de ce genre qui se présentent à la vente en ce moment. Louis Peyrusse fait remarquer que l’inscription et le format laissent penser qu’il s’agit d’une copie ancienne d’un original (peut-être celui du Parlement) qui fait partie d’une galerie de portraits.

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