Société Archéologique  du Midi de la France
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SÉANCE DU 16 FÉVRIER 2016

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Communication de Patrice CABAU

Maître Jean Dominique († 1283), notaire de Toulouse, juriste au service des princes

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Les sondages pratiqués à l’été 2015 aux abords de l’église Saint-Sernin de Toulouse ont amené la découverte d’une plaque de marbre portant une inscription funéraire gravée en mémoire de « discret homme maître Jean Dominique, mort le 12 avril 1283 ». Ornée très ostensiblement de dix écussons armoriés identiques, cette épitaphe ne nous renseigne guère sur le défunt. Par chance, de nombreuses pièces d’archives, conservées tant à Toulouse, Montauban, Paris, qu’à Londres ou Wolfenbüttel, permettent d’évoquer la figure et de retracer l’itinéraire d’un notaire public de Toulouse qui fit carrière au service des princes : d’abord, Alphonse de France, comte de Poitiers et de Toulouse, ensuite Édouard Plantegenêt, duc d’Aquitaine puis roi d’Angleterre.


Présents : MM. Cazes, Président, Scellès, Secrétaire général, Cabau, Secrétaire-adjoint, Péligry, Bibliothécaire-Archiviste ; Mmes Cazes, Fournié, Merlet-Bagnéris, Napoléone, Watin-Grandchamp, MM. Balty, Bordes, Lassure, Peyrusse, Surmonne, Testard, membres titulaires ; Mmes Balty, Bessis, Nadal, MM. Macé, Mattalia, Sournia, Suzzoni, membres correspondants.
Excusés : MM. Pradalier, Directeur, Ahlsell de Toulza, Trésorier, Latour, Bibliothécaire-adjoint ; Mmes Cassagnes-Brouquet, Haruna-Czaplicki, Lamazou-Duplan, Pradalier-Schlumberger, Queixalós, MM. Boudartchouk, Chabbert, Darles, Garland, Garrigou Grandchamp, le Père Montagnes, MM. Penent, Tollon.
Invitée : Mme Valérie Dumoulin, assistante de conservation à la Bibliothèque d’étude et du patrimoine de Toulouse.

Le Président souhaite la bienvenue à Mme Valérie Dumoulin, invitée à assister à notre séance de ce soir.
Puis il fait part à la Compagnie du décès de notre confrère Germain Sicard, membre de notre Société depuis 1957. Agrégé de droit et professeur d’histoire du droit à Alger puis à Toulouse, Germain Sicard avait été président de l’Académie de Législation ; il était mainteneur des Jeux Floraux depuis 2001 et président honoraire de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-lettres de Toulouse. François Bordes ajoute que sa thèse, Aux origines des sociétés anonymes. Les moulins de Toulouse au Moyen Âge, publiée par les éditions Armand Colin en 1953, a eu tout récemment une renommée internationale après sa publication en anglais par l’université de Yale, en 2014.
La correspondance reçue comprend principalement les remerciements de M. Pascal Mailhos, préfet de la Région Languedoc-Roussillon - Midi-Pyrénées pour les condoléances que nous lui avons adressées.

Émilie Nadal donne lecture du procès-verbal de la séance du 19 janvier dernier, qui est adopté.
L’ordre du jour appelle l’examen de la candidature de Mme Magali Vène au titre de membre correspondant de notre Société. Le rapport de Christian Péligry entendu, on procède au vote : Mme Magali Vène est élue membre correspondant.

La Compagnie entend les quatre premiers rapports sur les travaux présentés au concours.

Le Président donne lecture des deux rapports qui lui ont été communiqués par M. Nicolas Valdeyron :

Benjamin Marquebielle, Le travail des matières osseuses au Mésolithique. Caractérisation technique et économique à partir des séries du sud et de l’est de la France, thèse sous la direction de Jean Vaquer, Université de Toulouse -Jean-Jaurès, 2014, 508 p.

Cet important travail a été réalisé sous la direction de Jean Vaquer, directeur de recherche au CNRS, et soutenu, le 19 septembre 2014, devant un jury composé du directeur nommé, de Gregor Marchand, directeur de recherche au CNRS, Boris Valentin, professeur à l’université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, Aline Averbouh, chargée de recherche au CNRS, Nejma Goutas, chargée de recherche au CNRS, Gaëlle Le Dosseur, post-doctorante, Nicolas Valdeyron, professeur à l’université de Toulouse-Jean Jaurès.
Il est constitué d’un volume unique de 507 pages, avec un texte dense, quasiment dépourvu de notes de bas de page, les références bibliographiques étant abrégées et entre parenthèses. De nombreux tableaux complètent ou résument l’information. L’illustration, regroupée, dans le cadre de la stricte économie du mémoire, est faite de plans, coupes, graphiques, dessins, photographies. Économe également, la mise en page suit un plan en trois parties, détaillé, avec ses nombreuses subdivisions, dans une table des matières de huit pages. La même précision empreint la table des illustrations et tableaux, de sept pages. Vingt-trois pages de bibliographie viennent aussi en fin de mémoire. L’écriture est parfaitement maîtrisée.

Le professeur Nicolas Valdeyron nous a communiqué le rapport de soutenance, qui permet de juger de la qualité de cette recherche. Nous en donnons, résumée, la teneur.
Jean Vaquer y rappelle qu’il a dirigé cette thèse avec Nicolas Valdeyron, dans le cadre d’un programme doctoral sur les industries en matières dures d’origine animale du Mésolithique méridional en France (nous sommes entre 10 000 et 5000 ans avant J.-C.). Pour pouvoir traiter le sujet, Benjamin Marquebielle a dû ouvrir le champ de l’étude à l’ensemble du territoire de la France, en procédant à une sévère révision critique des sources, et en appréciant tous les contextes, afin de repérer 27 sites fiables qui totalisent 41 unités stratigraphiques bien caractérisées ou datées. D’où une méthodologie actualisée et une argumentation solidement étayée.
Nicolas Valdeyron souligne l’implication passionnée de Benjamin Marquebielle dans l’archéologie en général, et particulièrement la préhistoire, au long de son parcours universitaire, son intérêt aussi pour la collaboration et la médiation. Il compte déjà beaucoup de publications à son actif. Sans financement, il a réalisé un important corpus d’objets dispersés et largement inédits. L’analyse technologique est convaincante, reprise par des synthèses géographiques et chronologiques pertinentes. Une très belle thèse.
Aline Averbouh est aussi élogieuse. le candidat a su réaliser l’un des inventaires critiques les plus complets de sites mésolithiques du sud et de l’est de la France, un socle bien fondé pour les recherches futures. Benjamin Marquebielle fournit enfin les informations qui manquaient pour caractériser le façonnage des matières osseuses au Mésolithique. Elle souligne la démarche scientifique exemplaire -observation et description, analyse, interprétation- qui forme la trame en trois parties du travail. A cette rigueur correspondent une éthique sans faille, un goût du partage déjà relevé par Nicolas Valdeyron, signes d’une maturité scientifique incontestable.
Gregor Marchand relève également l’exemplarité de cet inventaire. La conclusion « est un vrai aboutissement d’une dizaine de pages, et non pas un résumé fatigué des propos précédents », mettant bien en perspective les industries osseuses antérieures (aziliennes) et postérieures, du Néolithique. Ainsi y apprend-on que « l’exploitation de la canine de sanglier apparaît particulièrement comme une caractéristique forte de la période », ou comment distinguer l’outillage domestique des objets produits avec une intention symbolique.
Boris Valentin confirme que Benjamin Marquebielle a bien sélectionné les meilleures séries, avec un excellent discernement du sujet.
Nejma Goutas montre les grandes qualités orales et d’exposé du candidat, toujours clair et pertinent, comme l’efficacité de ses réponses. Une soutenance parfaite, qui confirme sa maturité intellectuelle et scientifique, résultat d’un courage et d’une persévérance sans faille. Grâce à lui, les chercheurs disposent désormais d’un inventaire inédit et presque exhaustif des séries osseuses du Mésolithique en France, et aussi d’une caractérisation de ces industries, avec toutes les clefs nécessaires à l’interprétation.
Gaelle Le Dosseur, spécialiste de l’outillage osseux, juge que ce travail est maintenant une référence incontournable sur le sujet, avec une synthèse très intéressante, et une conclusion « riche et passionnante » sur les sociétés du Mésolithique..

Tous les membres du jury « soulignent à quel point la thèse de monsieur Benjamin Marquebielle est un travail de recherche de très haut niveau qui s’inscrit dans la lignée des acquis les plus récents dans le domaine de la technologie osseuse. Ils concluent en soulignant les immenses qualités de ce mémoire, qui comptera assurément pour la Préhistoire française en raison de son grand systématisme ».

Laurence Rougier, La grande faune magdalénienne de la grotte de Montespan. Étude paléontologique et archéologique, mémoire de master 2 sous la direction de Philippe Fosse, Université de Toulouse -Jean-Jaurès, 2015, 52 p.

Jean Balty donne lecture de son rapport sur le mémoire de :
- Grégory Ponsonnaille, La sculpture romaine sur le territoire de la cité antique d’Aquae Sextiae (Aix-en-Provence), mémoires de master 1 et 2, Université de Montpellier III, 2 vol. : vol. Synthèse, 152 p., vol. Catalogue, 505 p.

Maurice Scellès donne lecture de son rapport sur le travail de :
- Cécile Rivals, La construction d’une ville de confluence : les dynamiques spatiales de Saint-Antonin-Noble-Val (82) du Moyen Âge à la période pré-industrielle, thèse sous la direction de Nelly Pousthomis et Florent Hautefeuille, Université de Toulouse – Jean Jaurès, septembre 2015, 3 volumes ; vol. 1 : Synthèse, 459 p. ; vol. 2 : Illustrations, 362 p. ; vol. 3 (en 2 tomes) : Catalogue, 802 p.

La parole est à Patrice Cabau pour une communication consacrée à Maître Jean Dominique († 1283), notaire de Toulouse, juriste au service des princes .

Le Président remercie notre confrère d’avoir évoqué pour nous ce personnage à l’occasion de la découverte de son inscription funéraire lors des sondages d’évaluation réalisés sur le site de Saint-Sernin, un personnage historique qui prend des allures de personnage de roman, et sur lequel on comprend que bien des recherches restent à faire.
Dominique Watin-Grandchamp salue l’extraordinaire travail réalisé par Patrice Cabau pour reconstituer la vie et la place dans la vie locale de ce Jean Dominique, à partir de son seul nom. À sa suite, Laurent Macé souligne le fait que l’on a avec ce personnage une belle illustration d’un Toulousain qui profite du changement de dynastie. Puis il fait remarquer que la dénomination de « magister  » est encore vague à cette époque, et qu’elle n’implique pas que Jean Dominique soit jurisperitus. S’intéressant aux prénoms des membres de sa famille, il remarque que celui d’Helys ou Helyz se retrouve chez les Turenne, ceux de Guillaume, Raymond et Pons chez les raymondins ; en revanche, « Méraode » le surprend. Patrice Cabau précise que la lecture pose en fait problème, une lettre n’étant pas lue (Mera[o]de). En remerciant Laurent Macé d’avoir attiré son attention sur ce point, il indique que le titre de jurisperitus est donné à Jean Dominique dans un diplôme royal délivré à Paris en 1279 ; en revanche, dans l’acte de paréage de Lectoure en 1274, celui-ci apparaissait parmi plusieurs jurisperiti, dont un doctor legum, mais lui-même n’était qualifié que magister, ce que notre confrère reconnaît avoir interprété peut-être à tort comme une marque de modestie. François Bordes signale un acte toulousain de 1295 où figurent quatre magistri, dont des jurisperiti et un notaire.
En réponse à une question de Laurent Macé, Patrice Cabau précise que Jean Dominique est dit en 1273 magister Johannes Dominici, clericus et judex illustrissimi regis Anglie et ducis Aquitanie. Dominique Watin-Grandchamp observe qu’il est en charge dès 1256 de la jugerie de Gascogne et qu’il joue un rôle d’intermédiaire entre le comté de Toulouse et le duché d’Aquitaine.
François Bordes s’interroge toujours sur la présence d’archives du Moyen Âge à Saint-Sernin. Daniel Cazes lui donne tout à fait raison, avant de rappeler que cette situation remonte à la constitution des fabriques au XIXe siècle ; des registres de Saint-Étienne qu’il a pu consulter dans les années 1970 ont semble-t-il disparu, et des objets aussi. Dominique Watin-Grandchamp rapporte qu’elle n’a retrouvé à Saint-Sernin que des chemises vides de documents dont elle avait fait l’analyse alors que Pascal Julien travaillait à sa thèse. François Bordes rappelle que Jean Le Pottier avait engagé à ce sujet un début de négociation avec les Archives diocésaines.

Au titre des questions diverses, Bernard Sournia souhaite apporter des compléments à la discussion qui a suivi sa communication du 15 décembre 2015, sur le collège-monastère Saint-Benoît-Saint-Germain à Montpellier.


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